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Quelle(s) langue(s) pour une Catalogne indépendante ?

Un texte de Marc Pomerleau
Thèmes : Culture, Langue, Nation
Numéro : Argument 2016 - Exclusivité Web 2016

Depuis quelques années, la création d’un État propre n’est plus une utopie pour les indépendantistes catalans. En effet, dans la foulée de la crise économique et du bras de fer juridico-politique entre Madrid et Barcelone depuis la querelle constitutionnelle de 2010, le projet indépendantiste a gagné de nombreux adeptes en Catalogne, au point de frôler les 50 % dans les sondages et d’avoir obtenu 81 % des suffrages à l’occasion de la consultation non autorisée de novembre 2014.

Mais alors que les aspects juridique, politique et économique de l’indépendance ont été largement commentés dans nos médias, on a complètement omis la question linguistique, qui est pourtant centrale dans la construction de l’identité catalane. À cet égard, une importante question demeure : en cas d’indépendance, quel statut auraient le catalan et l’espagnol, les deux langues aujourd'hui officielles dans cette communauté autonome espagnole ?

En vertu de la constitution espagnole de 1978, l’espagnol est la langue officielle de l’Espagne. Le catalan, quant à lui, est officiel en Catalogne, aux Îles Baléares et dans la Communauté Valencienne (où l’on utilise plutôt le terme valencien) en vertu de leurs statuts d’autonomie respectifs. Dans l’éventualité où la Catalogne accéderait au statut d’État, le catalan conserverait de toute évidence son statut de langue officielle. Pour ce qui est de l’espagnol – que l’on appelle généralement castillan dans la région – les opinions divergent. Sur cette question, le clivage entre politiciens et linguistes est frappant : en effet, les premiers sont fortement en faveur du bilinguisme officiel alors que les seconds s’y opposent majoritairement. D’où vient et sur quoi se fonde cette divergence d’opinions ?

 

Les politiciens

L’ex-président catalan Artur Mas a affirmé à plusieurs reprises que l’espagnol ne perdrait pas son statut officiel dans l’éventuelle République catalane. Carles Puigdemont, président depuis le 12 janvier 2016, ne s’est pas encore officiellement prononcé sur le sujet, mais l’on peut pressentir qu’il prônera également le bilinguisme officiel. Oriol Junqueras, numéro deux du gouvernement et président de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), un important acteur du processus d’indépendance, est du même avis. Dans le livre Revoltats [Révoltés]i, il affirme que l’espagnol doit demeurer officiel parce que l’indépendance doit permettre aux citoyens de gagner des droits et non d’en perdre. Selon lui, une fois l’indépendance acquise, celles et ceux qui voudront s’adresser à l’administration ou à la justice catalane en espagnol devraient pouvoir continuer de le faire. Toutefois, précise Junqueras, le fait d’offrir des services en espagnol n’empêcherait pas le nouvel État d’octroyer un statut privilégié au catalan. C'est d'ailleurs ce que prévoyait le statut d'autonomie de 2006 : « La langue propre de la Catalogne est le catalan. En tant que tel, le catalan est la langue utilisée habituellement et de préférence par les administrations publiques et les médias publics de Catalogne. En outre, le catalan est normalement utilisé comme langue véhiculaire et d’apprentissage dans l’enseignementii ». En 2010, ce paragraphe a été déclaré inconstitutionnel par le Tribunal constitutionnel espagnol.

Pour le philologue et traducteur Pau Vidal, auteur du livre El bilingüisme mata [Le bilinguisme tue]iii, cette position, surtout pour l’ex-président Mas, découle d’un calcul électoral : ne pas faire peur aux hispanophones par une hypothétique mise à l'écart de l’espagnol. Le professeur de philologie catalane Francesc Xavier Vila précise d'ailleurs que les indépendantistes ont fait en sorte que le projet de nouvel État soit le plus rassembleur possible en se positionnant au-delà des sensibilités linguistiques et identitairesiv. Rappelons ici que même si plus de 80 % de la population catalane est apte à parler catalan, l’espagnol demeure la langue « initiale » ou « habituelle » du plus grand nombre de personnes et celle qui attire le plus les nouveaux arrivantsv. Dans ce contexte, il aurait été impossible de mettre en œuvre un projet national qui ne soit pas inclusif et transversal.

Cette transversalité qui surpasse les frontières linguistiques se matérialise entre autres par l’existence de Súmatevi, un collectif d’indépendantistes hispanophones. Pour cette organisation dont le nom signifie « Joins-toi », le catalan doit être la langue propre de la nouvelle République ; elle doit constituer la colonne vertébrale de la société catalane et être la langue véhiculaire des institutions, de l'administration, des médias et de l'enseignement. Toutefois, Súmate demande à ce que la législation garantisse la connaissance de l’espagnol, notamment par le maintien de l’enseignement obligatoire de cette langue. De par son usage social, peut-on lire sur le site Web de l’organisation, cette langue sera également officielle. En conséquence, le nouvel État devra légiférer afin de définir les « différents usages officiels » du catalan, de l'espagnol, de la langue des signes catalane et de l'aranais (une variété d’occitan, langue officielle dans la vallée d’Aran dans les Pyrénées), ces deux dernières étant en franc déclin.

 

Les linguistes

D’un point de vue purement linguistique, il est reconnu que le bilinguisme mène progressivement au monolinguisme, et que c’est la langue la plus fragile qui a tendance à disparaître. Dans une entrevue qu’il accordait en 2014 sur la question catalane, le linguiste baléare Gabriel Bibiloni affirmait d’ailleurs que la cohabitation de deux langues n’est qu’une étape transitoire et qu’à terme, il n’en reste qu’une : « Cela a toujours été ainsi et c’est comme çavii », précisait-il. Même son de cloche chez la linguiste catalane Carme Junyent, qui affirme qu’il n’existe aucune société dans l’histoire où l’on a parlé les deux mêmes langues pendant plusieurs générations : le bilinguisme mène inévitablement à la substitution de l’une à l’autreviii.

Le linguiste et professeur à l’Université autonome de Madrid Juan Carlos Moreno Cabrera, auteur de Guía del imperialismo lingüístico panhispánico [Guide de l’impérialisme linguistique panhispanique]ix et membre du Groupe de travail sur la gestion de l’espagnol dans le cadre d’une Catalogne indépendantex, est d'avis que la langue espagnole n’a pas besoin d’être promue parce qu’elle est et restera vigoureuse en Catalogne, quelles que soient les circonstances. D’ailleurs, affirme-t-il, jamais le catalan n’atteindra le statut supérieur dont jouit l’espagnol dans la péninsule ibérique et à l’échelle mondiale.

Selon Moreno Cabrera, la coofficialité actuelle de l’espagnol et du catalan en Catalogne permet de maintenir la politique franquiste de suprématie totale et absolue de l’espagnol, entre autres parce que cette langue est doublement imposée, c’est-à-dire aux niveaux de l’État central et de la Communauté autonome. Moreno Cabrera est également d’avis que le statut officiel de l’espagnol pose problème pour le système scolaire d’immersion linguistique en catalan actuellement en vigueur, parce que ce dernier est constamment remis en question par voies juridiques. Dans une Catalogne où l’espagnol ne serait pas officiel, cette épée de Damoclès disparaîtrait.

Dans ce contexte, Pau Vidal propose ce qu’il qualifie lui-même de « très laid » : le monolinguisme. Celui-ci serait à officialiser au niveau de l’éventuel État catalan, ce qui n'empêcherait pas que l'on parle d'autres langues en Catalogne : il s’agirait d’un monolinguisme d’État et non individuel. Le catalan serait donc la seule langue de l'administration et de l'intégration. Aujourd’hui, précise-t-il, le bilinguisme officiel donne l’impression que le catalan n’est pas nécessaire et peu utile. Pour cette raison entre autres, les nouveaux arrivants n’apprennent pas toujours le catalan, et même lorsqu’ils s’y mettent, l’utilisent peu.

Pour Vidal, il faut donc qu'il devienne possible de vivre totalement en catalan, sans avoir à passer régulièrement à l'espagnol, la langue « par défaut » dans de nombreuses situations. Pour ce faire, il faut en finir avec l’idée que tout catalanophone est aussi hispanophone. Et pour y arriver écrit-il, il faut renverser le bilinguisme de facto catalan/espagnol et mettre fin à ce cercle historique basé sur l’interdiction et l’imposition, qui a obligé les Catalans à apprendre l’espagnol, puis découragé l’apprentissage du catalan par les vagues successives d’immigrants hispanophones, tant d’Espagne que d’Amérique latine. Rappelons ici qu'avant les dictatures du 20e siècle, le catalan était la langue maternelle de l’immense majorité de la population catalane et que le bilinguisme n’était pas généralisé.

L’historien Xavier Deulonder, auteur de Les llengües a la república de Catalunya: una deliberació [Les langues dans la République catalane : une délibération]xi, rappelle que l’officialité d’une langue n’en garantit pas la pérennité, comme le démontre le cas de l’irlandais. En effet, celui-ci ne cesse de perdre du terrain face à l’anglais malgré le fait qu’il ait été déclaré langue nationale et première langue officielle dès 1937, alors que l’anglais a été relégué au titre de deuxième langue officielle. Aujourd’hui, si 40 % des Irlandais disent avoir des connaissances de gaeilge, ils sont moins de 2 % à l’utiliser sur une base quotidienne. En permettant à l’espagnol de conserver son statut de langue officielle en Catalogne, on pourrait, selon Deulonder, assister à la naissance d’une sorte d’Irlande méditerranéenne : on y apprendrait le catalan à l’école, mais dans la vie de tous les jours, on parlerait espagnol. Pour éviter d’attraper ce virus, écrit-il, il faut minoriser l’espagnol, que cela plaise ou non.

La minorisation ne plait pas à la linguiste Carme Junyent, qui croit qu’il faut plutôt faire la promotion du multilinguisme parce que les langues se portent mieux dans les sociétés multilingues où elles ne sont pas hiérarchisées. Par contre, ajoute-t-elle, l'harmonie linguistique doit avoir pour objectif la revitalisation de la langue du pays. Pour ce faire, il faut veiller à ce que les immigrants ne soient pas assimilés à la langue dominante, l'espagnol, sans quoi il sera impossible de rétablir l'équilibre linguistique. En fait, affirme-t-elle, il n'y a que ceux qui vivent sur une autre planète qui doutent de la pérennité de l'espagnol en Catalogne. Mais un statut officiel pour l’espagnol nuirait à la normalisation du catalan, affirme pour sa part Pau Vidal, parce qu’il continuerait à y avoir une lutte pour occuper l’espace public. Dans des pays comme la Lituanie et l’Estonie, le russe n’est plus officiel et a été à toutes fins pratiques évincé de l’enseignement depuis la dissolution de l’Union soviétique. Et depuis, le lituanien et l'estonien se portent bien.

Albert Branchadell, linguiste à l’Université autonome de Barcelone, mais également politologue, ne partage pas cet avis : dans une étude publiée en 2015xii, il fait état de l’échec du monolinguisme officiel dans plusieurs des États formés après la chute du Rideau de fer, comme la Biélorussie et la Moldavie. L’option la plus raisonnable, selon lui, est alors de maintenir le régime actuel de bilinguisme officiel. Il ajoute que le monolinguisme officiel ne répond pas aux préférences des citoyens, qui, d’après divers sondages, pour les trois quarts sont en faveur du bilinguisme officielxiii.

 

Aucune langue officielle, la solution ?

Pour Antonio Baños, l'un des membres les plus influents de Súmate, le problème relève du concept d'officialité, qui selon lui intoxique le débat. Pourquoi ne pas avoir, propose-t-il, aucune langue officielle dans la future République ? D’ailleurs, dans le monde, quarante constitutions ne font référence à aucune langue officielle, nationale ou d'État. On parle alors de langue officielle de facto. Il faut néanmoins que cette langue soit clairement, voire intuitivement identifiable, comme pour l’anglais aux États-Unis, l’espagnol au Mexique ou le suédois en Suède, qui n’ont pas de statut constitutionnel dans ces pays. Dans le cas de la Catalogne, affirme Moreno Cabrera, ne pas avoir de langue officielle serait une erreur parce que même dans une République indépendante la pression économique, politique et culturelle de la langue espagnole serait toujours présente. Pour lui, la suprématie linguistique de l’espagnol a tendance à évincer les autres langues, ce pour quoi il la qualifie durement de « linguicide ». Si l'on veut sauver un bateau qui coule, dit-il, il ne faut laisser aucun trou dans la coque, aussi petit soit-il.

Dans un rapportxiv qui analyse la question linguistique dans 194 constitutions, l’experte en droit constitutionnel Eva Pons en vient à la conclusion que la double officialité pourrait nuire à la mise en œuvre de mesures de protection pour la langue catalane. Toutefois, écrit-elle, le concept d’officialité est modulable et pourrait être adapté à la réalité linguistique de la Catalogne. En fait, a-t-elle remarqué, même dans le cas des pays officiellement bilingues ou multilingues, cette officialité n’est qu’exceptionnellement symétrique : il y a toujours une langue dominante dans certains secteurs. Dans la future constitution catalane, des modulations pourraient prévoir des domaines d’usage exclusif pour le catalan, ce qui cadrerait avec les thèses sociolinguistiques qui soulignent l’importance de réserver des domaines à une langue afin d’en assurer la vitalité et la pérennité. Ensuite, la Constitution pourrait reconnaitre à l’espagnol certains usages officiels afin de garantir des droits linguistiques à ses locuteurs. Par contre, ces usages ne devraient pas constituer un frein à une convergence accrue vers le catalan. Pour ce faire, écrit Isidor Marí de l'Institut d'études catalanes, il faut plutôt prévoir une série de lois spécifiques qui régissent les langues dans les diverses sphères de la société et non confier la totalité de la question à la Constitution.

 

Vers un bilinguisme asymétrique ?

Selon toute vraisemblance, le catalan aurait un statut privilégié dans une République catalane. Il serait toutefois fort surprenant que l’espagnol n’y ait pas de statut officiel. Après tout, si la République catalane devait voir le jour, ce serait aussi grâce au soutien de la population hispanophone. La reconnaissance de sa langue constituerait une marque de respect et une façon de reconnaitre sa contribution. Il y a fort à parier que la Constitution et les diverses lois linguistiques modulent les usages des langues, tel qu’envisagé par Eva Pons. Le nouveau gouvernement pourrait s’inspirer de ce qui était prévu dans le statut d'autonomie de 2006, qui faisait du catalan la langue habituelle et de préférence de l’administration et des médias publics, en plus d’être la langue d’enseignement pour tous. On devra également prévoir de nouvelles lois pour normaliser la présence du catalan dans les domaines où il peine à s'implanter, comme l'affichage et l’étiquetage, de même que le doublage et le sous-titrage.

Avant de moduler l’usage des langues dans la nouvelle République, les politiciens devront consulter les linguistes et les juristes, et être à l’écoute des besoins de la population. Après tout, l’avenir des langues en Catalogne repose avant tout sur la population. Comme l’affirme Carme Junyent, pour normaliser une langue, il ne suffit pas qu’elle soit officielle ni qu’elle soit la langue d’enseignement. Pour en arriver à une normalisation complète du catalan, il faut que cette langue soit utilisée par défaut, et pour ce faire, il faut qu'un certain prestige lui soit accolé, qu'elle soit associée à des gains économiques et sociaux pour ceux qui la parlent et qu'elle soit cool auprès des jeunes. Pour Junyent, il faut donc une offre diversifiée et de qualité en catalan afin qu’il soit naturel et normal pour tous de regarder la télévision, d'aller au cinéma et au théâtre en catalan. De lire des livres, des revues et des journaux, de naviguer sur Internet et de texter en catalan. La « normalité », voilà exactement ce que préconise la campagne indépendantiste Un país normal : que la Catalogne soit un pays normal avec une langue normale.

 

MARC POMERLEAU 

*Marc Pomerleau est traducteur agréé français/catalan. Chargé de cours au Département de linguistique et traduction et au Département de littératures et de langues du monde de l’Université de Montréal, il siège également au Conseil permanent du Cercle culturel catalan du Québec. Ses recherches portent sur la traduction indépendantiste en Catalogne. À ce sujet, il a notamment publié « Des traducteurs activistes en Catalogne » (2016) dans Circuit, revue de l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec, et « Indépendance de la Catalogne : quand la traduction se mêle du débat » (2014) dans Dire, revue de vulgarisation scientifique de l’Université de Montréal.

 

i[] Molinero, J. et Junqueras, O. Revoltats. Barcelone, Ara Llibres, 2015.

ii[] Version française officielle.

iii[] Vidal, P. El bilingüisme mata. Barcelone, Pòrtic, 2015.

iv[] Vila, F. X. El moment de la llengua? Algunes previsions sobre el paper públic dels debats lingüístics durant el curs 2015-16 (sobretot a Catalunya), Revista de Llengua i Dret, numéro 22, octobre 2015.

v[] Selon l’Enquête linguistique 2013 de la Direction de la politique linguistique de la Generalitat de Catalogne.

vi[] Súmate : www.sumate.cat.

vii[] Badia, J et Maresma, A. Gabriel Bibiloni: 'El nou estat només ha de tenir una llengua oficial: el català', VilaWeb, 3 novembre 2014.

viii[] Junyent, C. Les llengües en la Catalunya independent, Som Anoia, février 2013.

ix[] Moreno Cabrera, J. C. Los dominios del español: Guía del imperialismo lingüístico panhispánico, Madrid, Euphonia Ediciones, 2014.

x[] Alberte Montserrat, M., Moreno Cabrera, J. C. et Senz Bueno, S. Les llengües (i el castellà) en la Catalunya independent. Document de treball, Grup de treball sobre la gestió del castellà en el marc d'una Catalunya independent, 2012.

xi[] Deulonder i Camins, X. Les llengües a la república de Catalunya: una deliberació, Barcelone, Llibres de l’Índex, 2015.

xii[] Branchadell, A. Monolingüisme oficial en estats lingüísticament heterogenis. El cas de l'estat català independent, Revista d’Estudis Autonòmics i Federals, numéro 21, 2015, p. 202-236.

xiii[] Par exemple celui du quotidien El Periódico : www.elperiodico.cat.

xiv[] Pons Parera, E. L’oficialitat lingüística: Declaracions constitucionals i implicacions jurídiques i pràctiques, Biblioteca tècnica de política lingüística, Barcelone, Direcció General de Política Lingüística, Generalitat de Catalunya, 2015.




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