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Aller à l'école ensemble

Un texte de Annie-Claude Thériault
Thèmes : Éducation
Numéro : Argument 2017 - Exclusivité Web 2017

Après le Conseil supérieur de l’éducation, c’est maintenant l’IRIS qui déplore les effets pervers de la ségrégation scolaire. Le Québec fait piètre figure. Près de 38.6 % des élèves seraient actuellement dans une classe qui impose des critères de sélection. Cet écrémage, déclare-t-on, n’avantagerait pas particulièrement les plus doués, mais nuirait considérablement aux plus faibles.

Outre les problèmes criants d’équité, de réussite scolaire, d’odieux que portent les parents qui «abandonnent» leurs enfants à l’école publique, cette ségrégation pose un problème plus large. En instaurant au Québec de véritables ghettos d’écoles dites «ordinaires», c’est-à-dire ni privées ni alternatives ni à projets particuliers, c’est notre capacité même à vivre ensemble, à créer du commun, que nous érodons.

Dans la petite école du village de mon père se côtoyait à peu près tout le monde. Les enfants du député d’en face, les voisins, les guenilloux et le fou du village. Les uns apprenaient plus rapidement, aidant ensuite les autres. Les meilleurs en sortaient valorisés, mais surtout avec un sens de l’entraide et de l’empathie beaucoup plus développé. Ils ne sont pas aujourd’hui que des leaders, ils sont de bons leaders. Quant au fou du village, lui, il n’est certes pas devenu premier ministre, mais quand on le croise dans les rues, il s’enorgueillit d’être allé à l’école avec le député de son village.

Cette école publique n’existe plus et le parvis de l’église non plus. Or, nous ne pouvons faire réellement société que si nous avons des buts communs ou une vision commune du bien public. L’école doit cesser d’être un vase clos et recommencer à être le pivot de cette cohésion. Elle doit, et peut, jouer un rôle important dans l’intégration citoyenne et identitaire. Elle doit devenir rapidement une école publique digne de ce nom, pour tous, et non seulement une école pour ceux qui ne peuvent aller ailleurs. Une école où les enfants du quartier, peu importe leur moyen, leurs forces ou leurs faiblesses, se côtoient, s’entraident et se croisent ensuite sur les trottoirs. Pour créer du commun, pour partager des valeurs, il faut que le pluriel s’accorde.

Nous cherchons désespérément comment souder les individus pour qu’ils forment réellement société. Nous formulons des lois, souhaitons offrir des cours d’empathie, ou de citoyenneté, etc. L’institution scolaire pourrait pourtant porter fièrement ce flambeau. Pour peu que nous lui en donnions réellement les moyens : soit en commençant par envoyer nos enfants à l’école ensemble.

 

ANNIE-CLAUDE THÉRIAULT

Professeure de philosophie Collège Montmorency

 

 

Crédit photo: Wikicommons / CambridgeBayWeather




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