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De la Chaîne culturelle à l’inculture déchaînée

Un texte de Michel Seymour
Dossier : La démission de Radio-Canada
Thèmes : Canada, Culture, Revue d'idées, Société
Numéro : vol. 10 no. 2 Printemps-été 2008

Depuis trois ans déjà, le milieu culturel québécois tout entier s’émeut de la disparition de la Chaîne culturelle et de son remplacement par Espace musique sur la bande radiophonique FM de Radio-Canada. Le Mouvement pour une radio culturelle au Canada (MRCC), lancé par Jean Portugais, a recueilli l’appui de regroupements et d’individus représentant plus de 30 000 personnes pour protester contre cette disparition. Selon les calculs employés habituellement pour déterminer le nombre d’auditeurs, on estime qu’une personne écoutant la radio pendant une heure constitue un auditeur. Dans la mesure où les 30 000 personnes écoutaient la Chaîne culturelle à raison de dix heures par semaine en moyenne, il s’agirait de 300 000 auditeurs !

Je me permets d’insister sur l’ampleur du mouvement et la gravité de la situation. De mémoire d’homme, le Québec n’a jamais assisté à une telle levée de boucliers des gens de la culture. Les associations qui appuyèrent le Mouvement pour une radio culturelle au Canada sont : l’Académie des lettres du Québec, l’Association des galeries d'art contemporain (AGAC), l’Association des libraires du Québec, l’Association des producteurs professionnels indépendants du multimédia – en musique classique spécialisée –, du disque, du vidéo, du film, l’Association nationale des éditeurs de livres, l’Association québécoise des auteurs dramatiques, l’ensemble les Boréades de Montréal, le Centre de musique canadienne (CMC-Québec), le Centre québécois du P.E.N. international, le Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ), le Centre des auteurs dramatiques (CEAD), la Chapelle historique du Bon-Pasteur, la Cinémathèque québécoise, le Club musical de Québec, le Festival de théâtre des Amériques, la Fondation Accès Musique inc., la Fondation Émile-Nelligan, la Fondation Vivier, la Galerie d'art Jean-Claude Bergeron, la Guilde des musiciens du Québec, l'ensemble Cantabile, la compagnie Montréal Danse, l’ensemble Les idées heureuses, la Société de musique baroque, les musiciens de l'Orchestre Métropolitain du Grand-Montréal, les musiciens de l'Orchestre symphonique de Longueuil, les Rendez-vous du cinéma québécois, les Voix Humaines, Michel Dallaire Design inc., l’ensemble Musica Camerata de Montréal, le Nouveau Théâtre Musical, l’Orchestre Métropolitain, la Phonothèque québécoise, les Productions SuperMusique, le Quatuor Molinari, le Rassemblement des auditeurs contre la casse de France Culture (R.A.C.C.F.C.), la Rencontre internationale des écrivains, la Société de concerts dédiée à la musique électroacoustique, la Société pour la promotion professionnelle de la relève musicale-classique spécialisée, la Société Pro Musica, le Théâtre d'Aujourd'hui, le Théâtre du Nouveau Monde, l'Union des artistes, l’Union des écrivaines et des écrivains du Québec, Zeugma.

Tous les musiciens de l'OSM appuyèrent aussi la démarche. Le Conseil québécois de la musique était l'exception qui confirmait la règle. Mais dans une réunion spéciale tenue au début de 2005 et consacrée exclusivement au sujet de la Chaîne culturelle, l'assemblée générale a renversé la décision de l'exécutif. Les organisateurs reçurent aussi l'appui des amis de France Culture et un article de la Libre Belgique fit état de ce combat.

Jean Portugais déposa une plainte au CRTC en montrant que la SRC allait à l’encontre de son mandat qui devait être de faire la promotion de la culture et non de se transformer en une chaîne de musique continue. Le CRTC invita la SRC à répondre aux questions de monsieur Portugais. La SRC tenta de noyer le poisson dans sa réponse et monsieur Portugais démontra que cette lettre constituait une réponse insatisfaisante. Mais au lieu de trancher le débat, le CRTC invita alors monsieur Portugais à revenir à la charge lorsque la SRC demanderait le renouvellement de sa licence.

Si je me permets de rappeler tout ceci, c’est parce qu’en pratique, cette question est curieusement restée lettre morte dans les médias québécois.

 

POST MORTEM : UN ESPACE RÉTRÉCI POUR LA CULTURE

 

Après trois ans, le bilan est sombre et l’on peut confirmer que les changements survenus ont été catastrophiques. Les débats intellectuels, les recensions de livres, les discussions littéraires, les comptes rendus de pièces de théâtre, l’information sur les arts visuels, les critiques de cinéma, les entrevues de fond et les chroniques du disque ont laissé la place à des animateurs vedettes qui le plus souvent ne disent mot, qui ne sont pas tenus d’aller au fond des choses et qui proposent des menus éclectiques de musiques diverses, des versions tronquées d’œuvres ou des pots-pourris d’un goût douteux. Les animateurs doivent réduire leur temps de parole et les pièces jouées doivent être courtes. On avait certes conservé certains des animateurs vedettes en musique « classique ». Avec le départ de Georges Nicholson survenu en 2007, on ne fait que compléter le processus. Il ne reste plus que Carole Trahan, Mario Paquet et Françoise Davoine pour tenir le fort.

Les dirigeants de Radio-Canada disent vouloir défendre la diversité en musique. Bien entendu, il faut être en faveur de la diversité en matière de musique. Mais au nom de la diversité, on devait préserver une place plus grande pour la musique dite « classique ». La musique «classique», cela veut dire 1000 ans de musique : la musique ancienne (médiévale et Renaissance), baroque, classique, romantique, moderne, contemporaine, actuelle et d’avant-garde. En exploitant ce créneau déjà fort diversifié, Espace musique aurait contribué à un plus grand équilibre et à une plus grande diversité sur l’ensemble de la bande FM. Or, la musique classique occupe désormais un espace rétréci à environ 20 % du temps d’antenne.

Il est consternant de constater qu’au moment même où des grandes étiquettes de disque québécoises sont en train de s’affirmer internationalement (Analekta, Atma, XXI, Early-music.com, etc.) et d'être reconnues par les grandes revues françaises (Diapason, Classica Répertoire et Le Monde de la musique), au moment même où Montréal est en train de se faire connaître comme une plaque tournante de la musique (voir revue Gramophone, septembre 2004), et au moment même où nos artistes sont plus que jamais en train de se positionner avantageusement sur la scène internationale, l’espace de la musique classique se rétrécit de plus en plus sur la chaîne radio-canadienne.

Que dire cependant de l’objection selon laquelle il convient de faire passer la musique classique dans des créneaux nouveaux et notamment sur Internet ? Or c’est justement ce qui s’est passé avec la chaîne de musique Espace classique qui propose une webradio de musique classique en continu disponible sur Internet. Le problème est que cela revient à reléguer la musique classique dans la marge. Voilà justement où est rendue la grande culture musicale. Denis Grenier est à CKRL. Christophe Huss est à CIBL. Radio Ville-Marie assure des captations de concerts que le réseau Espace musique a tendance à délaisser. Quant à la musique contemporaine, elle disparaît à peu près complètement de nos écrans radars. En bref, l’information musicale elle-même est transmise en contrebande dans des réseaux parallèles. Bien évidemment, la situation est encore plus catastrophique quand on considère la danse, le cinéma, les arts visuels, le théâtre et la littérature.

Le pire est que cette perte s’accompagne d’une évacuation totale des débats, des analyses, des discussions et des entrevues dans tous les secteurs de la culture québécoise et non seulement en musique. La disparition de la grande culture musicale va de pair avec la disparition des débats intellectuels qu’on trouvait au 100,7. Passages de Jean Larose, Regards croisés avec Marie-Andrée Lamontagne et Paysages littéraires de Stéphane Lépine étaient des émissions qu'il aurait fallu préserver. Il était aussi scandaleux de mettre à la porte les François Ismert et Jean-Pierre Denis. Johanne Laurendeau, qui animait avec succès l’émission Rayon musique, a été congédiée pour cause d’activisme sur les lignes de piquetage. Comment expliquer autrement son congédiement étant donné les cotes d’écoute extraordinaires de cette émission ? On prétendit à l’époque que les débats d’idées allaient être transférés à la Première Chaîne mais, en septembre 2007, on fit disparaître les émissions de Serge Bouchard et Raymond Cloutier. Cela va de pair aussi avec la disparition des émissions sur la culture en général : arts visuels, théâtre, danse, cinéma, etc.

Bref, on a raison d’être révolté des chambardements effectués, du peu de place réservé à la musique «classique» et de l'arrogance avec laquelle on traite le milieu de la culture et le milieu des intellectuels québécois.

 

ENCORE UNE FOIS LE CANADA

 

Quelles sont les motivations des dirigeants de la Société Radio-Canada ? Il y a bien sûr la volonté d’augmenter les cotes d’écoute. Espace musique participerait ainsi d’un mouvement observable ailleurs dans le monde de nivellement de la culture par le bas. Mais il y a une autre raison moins évidente qui explique ce qui se passe. Pour bien comprendre les changements effectués depuis l’arrivée de Sylvain Lafrance à Radio-Canada, il n’est pas nécessaire de faire des procès d’intention ou de déceler des complots là où il n’y en a pas. Il suffit de se reporter à ce qui est dit explicitement. Comme le rapporte André Major dans un texte paru le 20 janvier 2004 dans la revue l’Inconvénient, article dans lequel l’auteur déplorait déjà la disparition de l’émission Paysages littéraires, Sylvain Lafrance se serait expliqué dès 1994 assez clairement concernant son mandat à l’occasion d’une rencontre avec les créateurs. Major écrit que Lafrance se serait senti investi du devoir de tenir compte « de la réalité régionale de notre grand pays, d’où la nécessité de liquider la culture nombriliste et élitiste qui avait trop longtemps tenu le haut du pavé ». La « culture nombriliste », ça n’est rien d’autre que la culture en provenance du milieu intellectuel et artistique québécois. Il faut en ce sens réduire un contenu culturel et intellectuel qui laisse trop clairement entrevoir ses origines québécoises, au profit d’un contenu inodore, incolore et insipide susceptible d’être produit n’importe où au Canada dans l’espoir illusoire d’atteindre le plus grand nombre à travers le pays.

Cette interprétation est confirmée par un autre échange que Sylvain Lafrance eut avec le conseil d’administration du Conseil québécois de la musique en 2004. Il faut, selon Lafrance, transformer la Chaîne culturelle en une institution vraiment pancanadienne dans l’espoir de susciter une identification au Canada dans son ensemble. Les Québécois perdent un miroir important de leur propre culture, car on se charge désormais de leur renvoyer une image de leur identité pancanadienne française.

Une autre intervention de Sylvain Lafrance, plus récente encore, confirme encore une fois cette interprétation. Lorsqu’il a été nommé vice-président principal de l'ensemble des services français de CBC/Radio-Canada en septembre 2005, il s'est dit fier de relever ce nouveau défi et a ainsi défini ses objectifs : « Nous développerons une vision globale des services français au pays, tout en respectant les personnalités de chacun des médias. »

Comme l’écrivit déjà Jean Larose (« La réforme Lafrance-Rabinovitch et la fin de la radio culturelle québécoise », Le Devoir, samedi 22 et dimanche 23 juin 2002) dans la foulée de son propre congédiement : « L'imposture démagogique prend également une autre forme : la régionalisation. Selon Lafrance et Rabinovitch, dans la francophonie canadienne, Ottawa et Vancouver comptent autant que Montréal. Il faut humilier l'autorité du Québec au profit d'une égalité régionale calquée sur le modèle anglo-canadien. »

La pancanadianisation bat son plein dans tous les secteurs. Bien au-delà du scandale des commandites, du scandale au ministère des Ressources humaines sous le règne libéral et du million de drapeaux de Sheila Copps, l’entreprise de construction nationale pancanadienne se poursuit à vitesse grand V dans tous les secteurs depuis 1995. Elle touche non seulement le secteur de la santé, mais aussi le secteur de l’éducation postsecondaire avec les chaires du Canada, la fondation canadienne pour l’innovation et les bourses du millénaire. Et elle frappe de plein fouet la vie intellectuelle et culturelle au Québec. La transformation de la Chaîne culturelle dans Espace musique s’inscrit dans cette logique. Elle reproduit au niveau radiophonique ce qui avait déjà été amorcé à la télévision de Radio-Canada.

 

THE BIG PICTURE

 

Certains seront enclins à douter de l’explication que je viens de fournir, parce que le même genre de situation vécu au réseau français de Radio-Canada est en train de s’appliquer à la chaîne anglaise Radio Two de la CBC. Mais je ne vois pas en quoi cela constitue une objection. La volonté de produire une radio unique affirmant le plus petit dénominateur commun pour des raisons d’uniformisation nationale a sa raison d’être autant au Canada anglais qu’au « Canada français ». Dans les deux cas, des impératifs de construction nationale pancanadienne sont à l’œuvre.

La transformation de la Chaîne culturelle dans Espace musique s’inscrit dans la logique d’une culture francophone pancanadienne qui n’existe pas. Il s’agit de refléter l’ensemble de la francophonie pancanadienne, même si cela exige de rapetisser la part occupée par la différence culturelle québécoise. Bien entendu, tous les francophones du Canada sortent perdants d’une vision culturelle de ce genre fondée sur le plus petit dénominateur commun, y compris ceux qui vivent dans le reste du Canada. Mais les conséquences de cette évacuation de la culture et des idées sont incalculables pour les arts, les créateurs, les intellectuels et les auditeurs québécois. On nous arrache une partie importante de notre conscience nationale. Même si nous comprenons l’importance d’accorder aux francophones du Canada vivant à l’extérieur du Québec des réseaux de radiodiffusion et de télédiffusion adéquats qui reflètent bien leur vie culturelle, il ne faut pas que cela se fasse aux dépens des Québécois. La solution n’est pas de se répartir le temps d’antenne comme RDI le fit à une certaine époque ou de proposer un contenu édulcoré comme c’est le cas avec Espace musique, mais bien de moduler les émissions en fonction des régions. Malheureusement, cela ne correspond pas au mandat pancanadien que la SRC s’est donné. Dans l’optique des dirigeants de la SRC, il faut offrir un même contenu à « tous les Canadiens et Canadiennes ». Une exception à cette règle est l’émission de Philippe Fehmiu du matin qui est diffusée seulement au Québec. Mais il ne s’agit pas de refléter la vie culturelle du Québec pour l’ensemble des Québécois. Il s’agit plutôt de refléter la vie multiculturelle de l’ensemble des Montréalais. En bref, tous les moyens sont bons pour occulter l’existence d’une culture nationale québécoise.

       S’agit-il encore une fois d’une théorie du complot ? Je pense plutôt que l’on ne fait que se conformer à la politique canadienne de radiodiffusion. Celle-ci cherche à promouvoir l’identité canadienne. L'article 3.1 (d)(ii) de la Loi sur la radiodiffusion reconnaît en effet l’existence d’une identité canadienne et stipule que la SRC doit « favoriser l'épanouissement de l'expression canadienne en fournissant notamment de l'information et de l'analyse concernant le Canada et l'étranger considérés d'un point de vue canadien ». Cela revient à contraindre les journalistes à faire la promotion de l’identité nationale canadienne. Bien entendu, les journalistes de la SRC ne sont pas tenus de faire la promotion de l’unité nationale. Mais dans les bulletins de nouvelles, ils doivent certainement faire la promotion de l’identité nationale canadienne, et cela a un impact politique évident.

       Cela s’est accentué à la suite du référendum québécois de 1995. Depuis cette date, les bulletins de nouvelles de la SRC font d’abord et avant tout état d’informations canadiennes, c’est-à-dire concernant « les Canadiens et Canadiennes ». Il est question régulièrement dans les bulletins de nouvelles de sujets « canadiens » : de l’armée canadienne, du bras canadien, de Julie Payette et de Marc Garneau tous les deux décrits comme des « Canadiens », des athlètes canadiens aux Jeux olympiques, des ressortissants canadiens dans tel ou tel pays, de nos correspondants canadiens, du rôle du Canada à l’étranger, de l’aide canadienne aux victimes du Tsunami, de la participation canadienne en Afghanistan, de l’envoi d’observateurs canadiens aux élections ukrainiennes, etc. Les statistiques fournies pour l’emploi concernent des données valables pour l’ensemble des « Canadiens » et il est de plus en plus difficile d’obtenir la ventilation des données pour connaître la situation québécoise. Cette politique de la SRC ne suscite aucune controverse. Et pourtant, qui peut nier l’impact politique d’une information journalistique qui martèle quotidiennement des nouvelles concernant le Canada et qui relègue très souvent les nouvelles concernant le Québec à la vingtième minute du bulletin ?

 

LA CERISE SUR LE GÂTEAU

 

Et comme pour confirmer que toute cette entreprise est parfaitement politique, on a poussé l’infamie jusqu’à faire en sorte que Sylvain Lafrance obtienne les insignes de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres et chevalier de la Légion d’honneur de la République française pour « son engagement dans la promotion de la diversité culturelle dans une société pluraliste». Cette manœuvre politique visait peut-être à calmer le jeu et à susciter le doute chez tous ceux qui ressentent au plus profond d’eux-mêmes la perte immense de leur héritage culturel radiophonique. Elle servait peut-être aussi à Sylvain Lafrance de tremplin pour obtenir le poste de monsieur Rabinovitch.

Soit dit en passant, à l’occasion de la remise de ce prix, Sylvain Lafrance a tenu le même discours qu’il tient toujours. Il en a profité pour féliciter les artisans de la SRC qui ont fait la promotion de la francophonie à l’échelle pancanadienne.

Je me souviens d'un échange que j'avais eu avec Claude Ryan au sujet de notre prétendue « identité canadienne » et des bienfaits du fédéralisme pour le Québec. Il insistait pour souligner l'importance de Radio-Canada pour la culture québécoise. Il avait bien raison de souligner l’importance de ce lien historique. Mais voilà où en est rendu cet héritage. C'est un lieu où les intellectuels, les écrivains et les artistes québécois se sont tus. C'est un lieu où l'on tue les intellectuels, les écrivains et les artistes québécois.

 

Michel Seymour*

 

NOTES

* Michel Seymour est professeur titulaire au Département de philosophie de l'Université de Montréal.

[1] Ce texte est la version longue d’un article paru dans Le Devoir le 16 août 2007.

 


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