Augmenter le texte Diminuer le texte

Une carte postale de Chypre

Un texte de Pierrette Beaudoin
Thèmes : Politique
Numéro : Argument 2016 - Exclusivité Web 2016

Mon avion a atterri à Larnaca à la fin septembre, deux ou trois jours après que le président chypriote, Nicos Anastasiades, se soit adressé à l’Assemblée générale des Nations Unies et qu’il ait rencontré son secrétaire général, Ban Ki-moon, en compagnie du représentant des Chypriotes turcs, Mustafa Akinci. Bien que les négociations sur la réunification de Chypre aient progressé, plusieurs questions d’importance stratégique font toujours l’objet des discussions. Elles portent notamment sur la présence des États garants de la sécurité du pays, la gouvernance, le territoire, la sécurité et la propriété1.

Les journaux consultés sur place, The Cyprus Weekly, The Sunday Mail, Cyprus Mail, ont largement couvert cette mission onusienne tout autant que la tournée diplomatique du président Anastasiades qui l’a suivie pour promouvoir la démarche actuelle de réconciliation nationale. Il a rencontré le vice-président des États-Unis, Joe Biden, la première ministre de la Grande-Bretagne, Theresa May, ainsi que le président français, François Hollande.

Toutefois, les Chypriotes avec qui j’ai parlé semblaient plutôt sceptiques quant à la réussite des pourparlers. Pour un bon nombre d’entre eux, il s’agit là de « la négociation de la dernière chance ». Quant aux partis d’opposition (Diko, Edek, Citizens’ Alliance, Greens), ils critiquent la démarche en cours et s’opposent avec force à la mise en place d’un régime politique de type fédératif constitué de deux États politiquement égaux (bizonalité et égalité politique) qui, selon eux, légitimerait les conséquences de l’invasion de 1974 et de l’occupation turque qui s’en est suivie2.

Dans la foulée de cette contestation, l’opposition s’est également attaquée au représentant spécial de Ban Ki-moon, le diplomate norvégien Espen Barth Eide, qu’elle accuse, entre autres fautes, de favoriser la partie chypriote turque dans les présentes négociations3. Ce comportement a fait dire au Cyprus Mail, dans son éditorial du samedi, premier octobre, que le dénigrement des conseillers des Nations Unies est perçu comme un devoir national : « Bad mouthing UN envoys is seen as a national duty »4 .

En outre, cette même opposition a tenté de boycotter, le mercredi, 28 septembre, la représentation de la tragédie grecque Antigone de Sophocle dans l’ancien théâtre de Salamine, situé dans le « territoire occupé » de l’île (la partie chypriote turque). De son point de vue, le financement de cette activité culturelle par le gouvernement chypriote et la Grèce, en « territoire occupé », apparaissait également comme un signe de reconnaissance de l’occupation turque. L’éditorial du 30 septembre du Cyprus Mail a dénoncé cette tentative de boycottage qu’il a qualifiée d’intimidation et de brutalité politiques5.

En revanche, quelques jours plus tard, le premier octobre, Jour de l’Indépendance, le président Nicos Anastasiades prononçait un discours dans lequel il exhortait la population à trouver le courage de la paix : « What we need is to focus our attention not on defence or any other plans, equipment and so on, but to equip ourselves with courage to find…the way of peace »6.

Pendant ce temps, le Qatar déléguait à Chypre son nouvel ambassadeur, le sultan Ibrahim Youssef Ibrahim Al-Mahmoud7 tandis que, depuis le sommet du mont Kykko, dans le massif du Troodos, où il est inhumé, Mgr Makarios jetait un regard perplexe sur le pays dont il fut le premier président.

 

 

Pierrette Beaudoin

 

 

 

1 CHARALAMBOUS, Annie. « Seven hard steps », The Cyprus Weekly, 23 septembre 2016, p. 4; AYGIN, Esra. « Looking for the way forward », The Cyprus Weekly, 23 septembre 2016, p. 5.

2 ANASTASIOU, Angelos. « Opposition plans event to ‘defend’ Republic will mark Independence Day », Cyprus Mail, 29 septembre 2016, p. 3.

3 HAZOU, Elias. « Opposition attacks ‘biased’ UN envoy. Eide accused of misinforming EU officials and overstepping his mandate », Cyprus Mail, 29 septembre 2016, p. 1.

4 EDITORIAL. « Bad-mouthing UN envoys is seen as a national duty », Cyprus Mail, 1er octobre 2016, p. 13.

5 EDITORIAL. « Patriotic bullies were losers in Salamina row », Cyprus Mail, 30 septembre 2016, p. 13.

6 ANDREOU, Evie. « We need to find courage for peace says President Anastasiades », Sunday Mail, 2 octobre 2016, p. 1.

7 CHRISTOU, Jean. « Strong relations praised as envoys present credentials », Cyprus Mail, 4 octobre 2016, p. 4.




Retour en haut

LISTE D'ENVOI

En kiosque

vol. 25 no. 2
Printemps-Été 2023

Trouver UN TEXTE

» Par auteur
» Par thème
» Par numéro
» Par dossier
Favoris et partager

Articles les plus lus


» trouvez un article