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Regarder par-delà les sources

Un texte de Éric Bédard
Dossier : Autour d'un livre: Plaines d'Abraham de Yves Tremblay
Thèmes : Histoire
Numéro : vol. 12 no. 2 Printemps-été 2010

Yves Tremblay est un homme en colère. Dans un essai décapant, l’historien règle ses comptes avec sa profession, du moins telle qu’elle serait pratiquée au Québec depuis trop longtemps ; avec les « milieux nationalistes » qui préféreraient se raconter les mêmes vieilles histoires plutôt que d’être confrontés aux lumières de la Vérité sur leur passé ; et, plus largement, avec le climat politico-intellectuel qui règnerait au Québec. L’annulation de la reconstitution des batailles de septembre 1759 et d’avril 1760 lui sert en quelque sorte de prétexte pour condamner, et avec quelle verve, à la fois le silence des historiens et le rapport que les Québécois d’aujourd’hui entretiendraient avec leur passé. Alors qu’ils se disent plus ouverts que les Canadiens français d’autrefois, les Québécois ne pourraient supporter que des étrangers portent un regard différent ou nouveau sur leur histoire : ils seraient même jaloux de leur « ego-mémoire ». Or, Yves Tremblay croit que la reconstitution aurait été une belle occasion d’en apprendre davantage sur notre Conquête militaire. En cherchant à démontrer que les nationalistes ont eu tort de réclamer l’annulation de cet événement, il a recours à de curieux arguments pour un historien de profession. Après avoir examiné le contexte qui a entouré cette reconstitution et les vraies raisons qui expliquent selon moi son annulation, je m’attarderai à la conception que Tremblay se fait de la vérité en histoire.

 

VICTOIRE DE L’ESPRIT SÉRIEUX

 

Yves Tremblay a raison : bien des Québécois nationalistes se sont très tôt méfiés du projet de reconstitution de la bataille des plaines d’Abraham. Si le Parti québécois, sensible aux humeurs de son électorat de Québec, a hésité un moment avant de demander l’annulation de l’événement, de nombreux indépendantistes y ont vu une autre manœuvre de l’État fédéral destinée à confisquer le sens d’une grande date de l’histoire. Peut-on les blâmer ? Soucieux, depuis le référendum de 1995, d’être plus visible au Québec et de récupérer à son profit la symbolique identitaire, l’État fédéral n’a pas lésiné sur les moyens. Toutes les institutions fédérales ont été conscrites pour assurer une plus grande visibilité du Canada au Québec, y compris la Commission des champs de bataille nationaux (CCBN). Alors que la controverse faisait rage, il a été établi qu’André Juneau, le président de la CCBN, était un militant du Parti libéral du Canada. Une correspondance entre lui et le ministre Alphonso Gagliano montre qu’en 2001-2002 il souhaitait « rencontrer les objectifs [sic] du gouvernement du Canada en matière de visibilité1 ». Cet arrière-plan politique était fondamental pour comprendre la grande susceptibilité de bien des Québécois. Par ailleurs, Yves Tremblay passe beaucoup trop rapidement sur la controverse qui entoura les célébrations du 400e anniversaire de la ville de Québec. Lors de la cérémonie d’inauguration, en France, le premier ministre Jean Charest dut céder sa place à la gouverneure générale du Canada ; dans un discours emporté, Stephen Harper présenta Michaëlle Jean comme la successeure de Samuel de Champlain et fit de 1608 la date de fondation du Canada.

La mémoire du scandale des commandites et ces grossières tentatives de récupération des fêtes du 400e par l’État fédéral créèrent un malaise chez les fédéralistes québécois. Ne perdons jamais de vue que le tout premier à torpiller la reconstitution organisée par la CCBN fut Jean Charest. En marge d’une conférence des premiers ministres canadiens, celui-ci annonçait, dès la mi-janvier 2009, qu’il n’avait pas l’intention de participer à l’événement et prenait bien soin de préciser qu’il s’agissait là d’une initiative fédérale. « Il est difficile exactement de savoir ce qu’ils veulent faire, expliquait-il lors d’un point de presse. Ils veulent commémorer un événement important de l’histoire, mais de là à faire une simulation, j’ai de la difficulté à voir où on s’en va avec ça2 ». À trop vouloir instrumentaliser des symboles forts de la mémoire québécoise, les nationalistes canadiens ont sapé leur propre stratégie d’autopromotion. D’une certaine façon, cette reconstitution de la plus importante bataille militaire de l’histoire du Québec et du Canada était la goutte de trop. La réaction épidermique de nombreux Québécois doit être située dans le contexte plus large d’une guerre de visibilité qui fait rage au Québec depuis le référendum de 1995. S’il avait été plus posé dans son analyse, Yves Tremblay aurait reconnu que l’État fédéral a sa part de responsabilité dans l’annulation de la reconstitution. Pour saisir l’émoi que suscita cet événement au Québec, il fallait prendre du recul, ne surtout pas s’en tenir à quelques chroniques éphémères de l’actualité.

L’annulation de cette reconstitution révèle autre chose. Pour désamorcer le pathos national de ces commémorations, l’État fédéral a beaucoup misé sur le divertissement. Les grands spectacles présentés dans le cadre du 400e, généreusement financés par Patrimoine Canada, eurent généralement un caractère festif. Fêter la fondation de la capitale de la Nouvelle-France était une chose, célébrer la Conquête d’un peuple en était une autre. Sur le site web du CCBN, on pouvait apercevoir des comédiens incarnant les généraux Wolfe et Montcalm en train de se serrer la main, tels de joyeux lurons lors de belles retrouvailles. L’objectif était clair : il fallait dédramatiser la bataille des plaines d’Abraham ; réduire au maximum la charge émotive de cet événement clé de notre histoire ; minimiser l’esprit de recueillement qu’une telle commémoration devait avoir. Avant tout : amuser, distraire, être léger. Surtout, ne pas trop réfléchir aux lourdes conséquences de la Conquête d’un peuple, ne pas revenir sur la déportation des Acadiens, le bombardement de Québec, la terreur semée par les rangers dans les villages de la Côte-du-Sud ; mais plutôt assister, en spectateur, à une reconstitution, c’est-à-dire à un jeu dans lequel des adultes allaient se déguiser en soldats et en officiers. C’est contre cette légèreté que se sont élevés des Québécois d’horizons divers. Yves Tremblay balaie cet argument du revers de la main, lui qui croit que « tout aujourd’hui est festif, des manifestations culturelles contre la mondialisation aux revendications pour la différence sexuelle3 ». À ses yeux, les reconstitutions sont un « hobby culturel » (p. 217) tout à fait acceptable, « une forme d’histoire ludique » (p. 223) qu’on aurait bien tort de condamner.

Si la grande manifestation du Moulin à paroles ne portait pas exclusivement sur la bataille du 13 septembre 1759, je crois néanmoins qu’elle correspondait mieux aux attentes des Québécois. J’en veux pour preuve l’immense succès populaire de l’événement, diffusé simultanément sur une chaîne câblée et sur un portail Internet. Pas de fanfares, pas de musique, pas de « bling-bling » ni blagues de mauvais goût, seulement des mots, un long témoignage de notre résistance au temps, un vibrant hommage à notre survivance. Alors qu’il se trouvait à Toronto, un Québécois enthousiaste put suivre en direct l’événement : « Dalpé lit Trudeau dans Cité libre. Lorraine Côté lit Françoise Loranger. Benoit Bouchard lit Jean Lesage. On dira ce qu’on voudra, tout ça est infiniment mieux qu’une reconstitution de bataille4 ». C’est moins la reconstitution en tant que telle qui a choqué bien des Québécois que la dimension festive qui l’entourait. Au fond, la tenue du Moulin à paroles fut moins la victoire des souverainistes que celle de l’esprit de sérieux contre la dérision qui abaisse tout ; ce fut la victoire de la gravité et de la déférence contre la rigolade et le « tsé-veux-dire » irrévérencieux qui nie toute forme de transcendance et de grandeur, au Québec comme ailleurs. Malgré que « le rire soit devenu la bande-son du monde5 », il s’est trouvé des Québécois pour dire que la Conquête, ça n’avait rien d’amusant, que ce n’était pas une date comme une autre, que l’événement avait peut-être même quelque chose de « sacré ».

 

VÉRITÉ ET HISTOIRE

 

Je donnerai raison à Yves Tremblay sur un autre point : les historiens universitaires sont restés à l’écart de cette controverse, ce qui est, en soi, un fait troublant. Si les médias ont parfois sollicité mon avis sur la reconstitution, j’ai moi-même hésité à intervenir. D’une part, parce que mes recherches ne portent pas du tout sur ces événements et, d’autre part, parce que j’étais mal à l’aise avec les positions trop tranchées des uns et des autres. Comme plusieurs, je me méfiais de cette initiative fédérale mais, en même temps, je craignais qu’en annulant l’événement, on passe complètement sous silence le drame de la Conquête. Je ne pouvais non plus me satisfaire des interprétations strictement militantes de la Conquête, souvent inspirées par la version la plus radicale de l’école de Montréal ou par les théories contre-culturelles des années 1960 sur la décolonisation. Si je m’identifie aux « milieux nationalistes », cette logorrhée structuralo-gauchiste, à laquelle carbure une partie non négligeable du mouvement indépendantiste, m’exaspère. Comme de nombreux Québécois de ma génération, je ne me reconnais pas du tout dans le « portrait du colonisé » dessiné par les émules de Pierre Falardeau.

Quoi qu’il en soit, le silence des historiens durant toute cette controverse me semble tout à fait révélateur. Il ne doit cependant pas nous étonner puisqu’aucun historien de profession n’avait l’autorité pour nous entretenir sur la Conquête. L’histoire politico-nationale et l’histoire militaire ont été complètement abandonnées par les historiens de la génération précédente. On a l’impression que, pour Yves Tremblay, l’abandon de ces domaines de recherche aurait été planifié par les nationalistes eux-mêmes qui ne souhaiteraient pas appliquer aux grands événements de leur passé les méthodes de l’histoire critique. Cette thèse conspirationniste est évidemment farfelue mais, hélas !, elle n’est peut-être pas sans fondements. Comme plusieurs, je crois que l’hégémonie de l’histoire sociale et culturelle explique en bonne partie l’abandon de l’histoire politique et militaire, mais j’ai de plus en plus le sentiment que le structuralisme d’un Maurice Séguin et, plus globalement, la migration de la question nationale de l’histoire vers la sociologie rendent compte de ce phénomène. L’histoire, au Québec, a été complètement happée par les sciences sociales, et plus récemment par les cultural studies, de sorte que la contingence des grands événements nationaux, celle-là même qui intéresse généralement les historiens du politique et du militaire, a été jugée non pertinente par les historiens. Yves Tremblay n’a donc pas tort : pour en connaître davantage sur la Conquête et ses personnages, ou sur la guerre de Sept ans, il fallait lire les travaux récents de Fred Anderson, Jonathan Dull, Stephen Brumwell ou Peter MacLeod. En français, il fallait relire les travaux de Guy Frégault, que Tremblay juge beaucoup trop sévèrement, ou encore la biographie qu’a consacrée Thomas Chapais au marquis de Montcalm qui remonte à… 1911. Heureusement pour nous, des passionnés d’histoire comme Gaston Deschênes ou Jacques Lacoursière n’ont pas attendu les subventions de recherche ou les chaires du Canada pour nous proposer des travaux fort éclairants. Si, tout comme Tremblay, j’admire le livre posthume de Louise Dechêne, j’hésite à la classer dans la catégorie des historiens de la Conquête. Sans grands travaux de synthèse, à la fois récents, sérieux, documentés et sensibles à la mémoire particulière que nous avons de la Conquête au Québec, tout le terrain de l’histoire fut laissé aux militants et aux commentateurs qui s’en donnèrent à cœur joie. Évidemment, un événement comme celui de la Conquête n’appartient pas seulement aux historiens, mais leur présence dans le débat eût été fondamentale, ne serait-ce que pour remettre les pendules à l’heure. La commémoration de ce 250e anniversaire de la bataille des plaines d’Abraham doit nous rendre à l’évidence : il faut créer un espace institutionnel qui permettra de susciter de nouvelles recherches en français sur des événements politiques aussi capitaux que la Conquête6.

Dans sa défense énergique de la reconstitution des grandes batailles, Yves Tremblay recourt à divers arguments. Il prétend par exemple que les reconstitutions peuvent faire de bons spectacles pour la télévision. Dans le navet que fut le film Nouvelle-France, une telle reconstitution aurait été appréciée. À ce que je sache, cependant, rien de tel n’était prévu le 13 septembre 2009. Que l’historien assimile les reconstitutions de batailles à une sorte de pédagogie du vécu ne surprendra personne non plus, même si, comme d’autres, je suis très sceptique face à ce mode de transmission du savoir. Méditant sur cet argument pédagogique des partisans de la reconstitution, Isabelle Daunais écrivait, avec beaucoup de justesse :

Il ne nous viendrait jamais à l’esprit d’imiter, avec costumes et accessoires, la vie d’un villageois africain ou d’un Afghan ou d’un Inuit ou d’un Japonais dans le but de mieux comprendre ces vies ou de mieux les faire connaître ; bien au contraire, il nous semblerait qu’un tel geste, avec tout ce qu’il a à la fois d’expérimental et de spectaculaire, non seulement serait profondément irrespectueux, mais il ne nous donnerait accès qu’à un savoir superficiel, de l’ordre des simples apparences, pour ne pas dire des stéréotypes7.

 

Yves Tremblay va cependant plus loin. Il soutient que les reconstitutions permettent d’accéder à la vérité des grandes batailles. Les amateurs de reconstitutions, des bénévoles précise-t-il, seraient des « fanatiques de l’exactitude » (p. 209) qui feraient reculer les frontières de la connaissance. Mieux encore : en rejouant les batailles, c’est-à-dire en les vivant, ces fanatiques de l’exactitude éclaireraient les décisions des généraux et favoriseraient une compréhension plus juste et plus vraie des événements. C’est qu’au fond, Tremblay croit que, pour faire l’histoire d’une bataille comme celle des plaines d’Abraham, on ne peut vraiment se fier aux journaux de campagne et à la correspondance des témoins de l’époque. Les historiens, selon lui, « ont longtemps répugné à avouer leur ignorance des états mentaux et des processus menant aux décisions » ; il ajoute :

les rationalisations post facto des militaires comme des historiens (et des mauvais romanciers également) sont des constructions le plus souvent mensongères ayant leur utilité (glorifier les troupes, sauver les réputations, attiser la ferveur nationale), mais constituant une grossière distorsion du peu que l’on sait […] Dans un cas comme celui de la bataille de l’été 1759, il faut regarder par-delà les sources […] pour évaluer puis juger (il n’y a pas d’autre mot) de ce qui pourrait faire partie d’un récit crédible (p. 215-216; italiques sont de moi).

 

Cette idée de « regarder par-delà les sources » est certainement noble, mais un peu naïve. De tout temps, les historiens ont rêvé d’accéder à la vérité du passé, ils ont cherché à faire disparaître tous les filtres qui obstruaient leurs vues. Dès la naissance de l’histoire critique et universitaire, au XIXe siècle, on a enseigné aux historiens à se méfier des témoignages laissés dans les archives. La vogue pour l’histoire sociale, celle que pratiqua avec un indéniable talent Louise Dechêne par exemple, a beaucoup tenu à cette idée qu’enfin, on tenait des sources sûres qui nous permettraient d’accéder au passé autrement qu’à travers des témoignages biaisés. Grâce, par exemple, aux premiers vrais recensements montréalais du XIXe siècle étudiés par Bettina Bradbury, on allait enfin découvrir un peuple trop longtemps ignoré par les chroniqueurs de l’histoire-bataille et ainsi accéder à quelque chose de plus vrai. Or, nous savons maintenant que ces recensements sont imparfaits, que ces sources apparemment neutres sont approximatives, qu’elles furent souvent élaborées en fonction de finalités autres que celles de la pure connaissance8.

Dans son grand livre posthume, Louise Dechêne, qui cherche à prendre le contrepied d’une historiographie dite nationaliste – son point de vue, comme celui d’Yves Tremblay, est donc aussi orienté –, veut démontrer que les Canadiens n’étaient peut-être pas les vaillants combattants que l’on a dit. Compte tenu des conditions matérielles qui étaient imposées aux miliciens de l’époque, on la croit volontiers. Lorsque vient cependant le temps d’expliquer l’étonnante mobilisation des Canadiens durant l’été 1759, qui tendrait à montrer l’existence d’un protonationalisme, à tout le moins d’un réel attachement à la terre natale, elle souligne, au chapitre 12, l’importance des « enjeux matériels et immatériels9 ». Les éditeurs de l’ouvrage insistent : il s’agirait là du chapitre le moins achevé de l’ouvrage, celui que n’aurait pas eu le temps de compléter Louise Dechêne. Les thèses essentielles du livre, et je dirais même de l’œuvre de Dechêne et de celle de la défunte école de Québec, s’y retrouvent cependant. Les Canadiens se seraient mobilisés pour des raisons essentiellement matérielles et religieuses, parce que faire partie de la milice assurait des avantages pécuniaires non négligeables et parce qu’on avait peur des évêques et des curés qui auraient démonisé les Anglais. Voilà une thèse qui ne date pas d’hier. Dans une version beaucoup plus polémique et culturaliste, Fernand Ouellet ne disait pas autre chose des rebelles de 1837. Lui aussi se méfiait des témoignages des acteurs ; lui aussi rejetait l’idée qu’il ait pu exister quelque chose comme un sentiment national. Je proposerai ici une hypothèse : si le chapitre 12 n’a jamais été complété, n’est-ce pas tout simplement parce que Louise Dechêne manquait de preuves ? Comment une historienne du XXe siècle, aussi talentueuse et rigoureuse fût-elle, pouvait-elle sonder les consciences des hommes du XVIIIe siècle au point de détecter, hors de tout doute raisonnable, la présence ou l’absence d’une forme quelconque de sentiment national ? La vérité, c’est que ni Louise Dechêne, ni Yves Tremblay, ni l’auteur de ces lignes ne le savent vraiment.

À la Vérité, je préfère l’explication vraisemblable, et falsifiable, fondée notamment sur les témoignages des contemporains. Comme l’a bien montré le beau livre de Peter MacLeod contre lequel, pour des raisons que je m’explique mal, Yves Tremblay ne cesse de s’acharner, il existe beaucoup d’archives sur le siège de Québec et la bataille des plaines d’Abraham10. Qu’ils soient Français ou Anglais, des officiers et de simples soldats ont laissé de nombreux témoignages. Des citoyens de Québec ont tenu des journaux et ont écrit des comptes rendus fort intéressants des événements sans lesquels nous serions encore dans le brouillard le plus opaque11. Comme le montrent les annexes de la nouvelle édition du livre de C.P. Stacey12, peut-être découvrirons-nous d’autres documents qui nous permettront un jour d’avoir une image encore plus juste des événements. Les mémoires et les lettres des acteurs restent des documents essentiels pour comprendre le passé. Ces archives traditionnelles, Yves Tremblay en conviendra, sont probablement le matériau de base de ces « fanatiques de l’exactitude » qui reconstituent les grandes batailles du passé. Je ne connais rien à ce passetemps, mais je suis certain que, lorsque vient le temps de procéder à une reconstitution, ces amateurs d’histoire militaire doivent longuement étudier les témoignages des principaux acteurs. Il doit souvent leur arriver d’être confrontés à des zones d’ombre et de proposer leurs propres interprétations de certains détails. Selon moi, « regarder par-delà les sources », c’est courir le risque de faire dire n’importe quoi à n’importe qui et d’errer bien davantage. Aussi minutieuses soient-elles, les reconstitutions restent elles aussi des approximations, sinon des interprétations du passé. Elles ne sauraient se substituer au travail austère de l’historien intègre.

ÉRIC BÉDARD

 


 

NOTES

Éric Bédard est historien et professeur à la Télé-université (TÉLUQ) de l’Université du Québec à Montréal.

1 Cité dans Antoine Robitaille, « Des commandites aux plaines d’Abraham », Le Devoir, 3 février 2009.

2 Hélène Buzetti, « Charest n’a pas le cœur à célébrer la défaite des plaines d’Abraham », Le Devoir, 17 janvier 2009.

3 Y. Tremblay, Plaines d’Abraham. Essai sur l’égo-mémoire des Québécois, p. 60. Les prochaines références à cet ouvrage sont indiquées entre parenthèses dans le corps du texte.

4 Bernard Gilbert, « Le Moulin à paroles in Toronto », Le Devoir, 15 septembre 2009.

5 Alain Finkielkraut, Un cœur intelligent, Paris, Stock/Flammarion, 2009, p. 36.

6 Avec les membres de la Coalition pour l’histoire, je propose la création d’une 5e section à l’Institut national de recherche scientifique qui serait consacrée à l’histoire politique du phénomène national au Québec. Pour en savoir davantage sur cette coalition, on consultera son site web, http://www.coalitionhistoire.org.

7 Isabelle Daunais, « Le passé comme si vous y étiez », L’inconvénient, no 38, août 2009, p. 68.

8 Bruce Curtis, The politics of population state formation, statistics, and the census of Canada, 1840-1875, Toronto, University of Toronto Press, 2001.

9 Louise Dechêne, Le Peuple, l’État et la Guerre au Canada sous le Régime français, Montréal, Boréal, 2008, p. 429-453.

10 D. Peter MacLeod, La vérité sur la bataille des plaines d’Abraham. Les huit minutes d’artillerie qui ont façonné un continent, Montréal, Éditions de l’Homme, 2008.

11 Pour s’en convaincre on lira notamment : Jacques Lacoursière et Hélène Quimper, Québec ville assiégée 1759-1760 d’après les acteurs et les témoins, Québec, Septentrion, 2009 ; Bernard Andrès et Patricia Willemin-Andrès (dir.), Journal du siège de Québec du 10 mai au 18 septembre 1759, Québec, Presses de l’Université Laval, 2009.

12 C.P. Stacey, Québec, 1759. Le siège et la bataille, Québec, Presses de l’Université Laval, 2009.

 

 




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