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Arthur, Gaston, Œdipe, l’Autre et moi

Un texte de Jean-Philippe Trottier
Dossier : Autour d'un livre: Nous voilà rendus au sol. Essais sur le désenchantement du monde, de Serge Cantin
Thèmes : Éthique, Histoire, Religion, Revue d'idées
Numéro : vol. 6 no. 2 Printemps-été 2004

Avant ce soir, tu recevras le jour et tu le perdras.

Sophocle

 


Voici, en quelques mots simples, la terrible sentence que prononce le devin Tirésias à l’encontre d’Œdipe, roi de Thèbes, qui lui demande le nom du meurtrier de Laïos, dont la présence en sol thébain est cause de la peste dont souffre la ville. Œdipe voit, Tirésias est aveugle. Œdipe ne voit pas la concaténation des événements dont il est le catalyseur inconscient et involontaire; Tirésias la voit clairement. Toute la tragédie de Sophocle intitulée Œdipe-Roi s’articule autour de cet entretien entre les deux personnages, qui sert de point de bascule à partir duquel se déroule implacablement l’horrible dévoilement de la vérité.

C’est, en plus solaire et implacable mais dans un contexte différent, ce que Serge Cantin nous décrit dans ses six essais : nous voyions, nous ne voyons plus (ou l’inverse, ce qui revient au même). Nous sommes désenchantés et angoissés, car en perdant le monde stable d’en haut, celui de la transcendance, qui fondait le nôtre, nous n’avons acquis que « la possibilité de produire le monde, ad infinitum et nauseam. » Les paysages que nous croyions vastes et profonds se sont désormais révélés des hologrammes plats. Nous sommes plongés dans la prolifération du Même, pour reprendre son évocation de Lévinas.

Je pense qu’au-delà de la question de la perte de l’idéal, de sens, d’un Dieu qui légitime et fonde l’agir de l’homme, perte symbolisée par le voyage et le déplacement, la vraie et angoissante question est celle de l’Autre et du mystère de ma rencontre avec lui. Une rencontre, ou une communion qui, dorénavant, doit s’articuler hors d’une tradition, calcifiée depuis longtemps en convention. Dieu est mort : tout est possible, découvrait avec amertume Ivan Karamazov. L’homme n’est enraciné en rien, il n’est à l’image de rien d’autre que de lui-même et si je le tue (Shoah), je ne tue rien d’autre que lui dans un abstrait sans résonance. Si je suis touriste au Maroc, je fais de l’habitant un objet d’exotisme, un bibelot dans mon tableau de chasse proliférant à l’infini. Si, me prenant pour un mage ou un ange, je continue à taquiner la muse et ses sublimes appâts, je demeure dans la projection du moi et escamote la rencontre avec l’inconnu, rencontre que seule rendra possible la traversée de l’ennui. Pour résumer de façon psychanalytique, je demeure dans le moi idéal et non dans l’idéal du moi, comme le légionnaire pris de soif dans le désert et qui avance vers un mirage magnifique mais qui n’a de réalité que dans la perception de ce légionnaire même. Une vision familière mais inaccessible.

Or, pour revenir à Œdipe, ce que je vois ne peut être vu qu’avec des yeux crevés, à l’instar de l’aveugle Tirésias. Notre héros tragique se les crève effectivement et de là commence une initiation tourmentée qui amène progressivement Œdipe, conduit par sa fille Antigone, à Colone, banlieue d’Athènes, à la rencontre de son souverain et bienfaiteur Thésée. Il y trouve la sérénité et la mort. Version tragique du « Chemin du Puy »?

Car c’est là, vers cette sérénité, que tend l’ouvrage de Serge Cantin, à mon avis, et il y a une formule éminemment heureuse à la fin du « Chemin du Puy » qui m’incite à avancer cette hypothèse : cette portion de pèlerinage vers Compostelle n’est en bout de ligne pas tant un dépaysement qu’un empaysement, une quête non pas du Nouveau mais du plus Ancien (« quelqu’un en moi de plus ancien que moi-même »). Cet empaysement, c’est aussi le trésor que le rabbin Eisik de Cracovie trouve chez lui après l’avoir cherché à Prague. C’est aussi le sens du voyage abracadabrant de Miron (« moi voici en moi comme un homme dans une maison ») ou encore celui du rétablissement du lien entre l’homme et son crime, qui extirpe celui-ci de la banalité et de l’anonymat du « on » ou du « ça » par la punition, afin de réintégrer son auteur dans la sphère du pardon, ou du moins dans celle de l’humainement représentable, même au prix de la peine capitale.

Une autre raison me pousse à penser que l’ouvrage est appelé à tendre vers cette résolution qui est le rétablissement du sens de l’Autre et qui commence toujours par l’émergence d’un dialogue avec l’Autre en moi-même : c’est la sincérité de l’écriture, une qualité déjà manifeste dans un livre précédent, intitulé Ce pays comme un enfant[1]. Une sincérité quelquefois voilée par l’abondance des références et l’élégance du style, mais qui n’en révèle pas moins en filigrane une lancinante nostalgie, une tristesse, même. Ce sont, outre la curiosité et les nombreuses lectures de l’auteur, des qualités qui « enracinent » le propos et touchent le lecteur.

Il est de bon ton et même très chic de clamer de nos jours l’absurdité du monde, la perte des repères, le désinvestissement du politique, l’incommunicabilité, la viscosité postmoderne dans laquelle le sujet se trouve jeté, « geworfen », l’aliénation, les « novlangues » et autres orwelleries. Ce sublime écœurement lucide est un fabuleux levier de séduction qui convient tout à fait aux salons et constitue une arrière-boutique conceptuelle où vont puiser nombre de gens. Tel Alceste, on pose — devant témoins surtout — un regard amèrement désabusé sur le monde et l’on s’en trouve dilaté mais, en fin de compte, seul avec sa morgue.

Ce n’est pas ce que l’on trouve ici, malgré le risque inhérent à la splendeur du verbe et à l’inquiétude qui traverse l’ouvrage de part en part. Et c’est cette tristesse qui assure que l’auteur reste bien « collé au sol ». Comprenons que cette tristesse n’est pas un sentiment dépressif ou morbide qui mène à l’assoupissement ou à un quelconque opium. C’est plutôt le résidu du constat sobrement lucide d’une perte et Serge Cantin n’hésite pas d’ailleurs à évoquer ses interrogations d’enfant sans pour autant tomber dans le piège inverse de la morgue lucide évoquée tantôt, qui serait la fuite dans le pastiche initiatico-bonbon, illustrée par exemple chez un Paolo Coelho. On est plutôt ici dans une sensibilité qui rappelle celle de T. S. Eliot, du moins de celui qui finit son dernier Quatuor, Little Gidding[2], en disant : « We shall not cease from exploration / And the end of all our exploring / Will be to arrive where we started / And know the place for the first time. »

Souhaitons donc que ces riches réflexions de l’auteur débouchent encore plus loin dans un prochain ouvrage. Car, et c’est l’appel de Rimbaud, le désenchantement du monde amène « un devoir à chercher, une réalité rugueuse à étreindre. Paysan! »

Paysan, c’est bien ce qu’a été Miron, et Pierre Vadeboncœur soulignera « ce respect de paysan pour son ascendance et pour la terre, qui est aussi un trait d’humilité. » Quand Miron écrit « les pharisiens ne pardonneront jamais à ma poésie d’avoir eu honte avec tous, en esprit et en vérité, au lieu de tous », que veut-il dire d’autre qu’il y a « une réalité rugueuse à étreindre »? C’est ici que la radicalité du sentiment de deuil et de perte aurait gagné à être davantage cernée, dans l’essai consacré au poète. Que chacun doive faire publiquement la preuve du pays est très juste, et Dieu sait combien ici se dérobent à cette tâche tout en invoquant la divine protection de la loi 101, nouveau Décalogue tutélaire! Que Miron ait eu le courage d’affronter son aliénation, d’avoir honte avec et non de, sans sombrer dans « l’abîme du rêve » est également très finement remarqué. Que le français risque, si nous n’y prenons garde, de se réduire à une langue folklorique est bien réel et l’on doit à Serge Cantin de savoir éviter l’abattement que suscitent ces observations. Ceci dit, il y a chez Miron quelque chose de terrifiant qui dépasse tout cela : son vertige, sa douleur et la paternité paradoxale qui en émerge, et qui font du poète un socle de l’identité québécoise.

Les nombreux silences de Miron furent en effet l’occasion de laisser émerger une parole nouvelle, non aliénée. Le silence, c’est aussi le deuil, ce dont Saint-Exupéry disait dans sa Lettre à un otage[3] : « Des morts on doit faire des morts. Alors ils retrouvent dans leur rôle de morts une autre forme de présence. Du pilote Guillaumet […] mon Dieu! j’ai accepté de porter le deuil. Il ne sera plus jamais présent, mais il ne sera jamais absent non plus. […] j’ai fait de lui un véritable ami mort. » Soulignons ici une vérité élémentaire : si Guillaumet n’avait pas existé ou si l’écrivain ne l’avait pas connu, il n’y aurait pas de deuil. Ce deuil signale donc une présence passée et sa fonction est de « raboter » inlassablement la disparition de l’objet aimé pour en faire une présence en creux.

Miron a eu lui aussi son Guillaumet, son Autre, son pays, et son rôle aura été d’en pleurer l’aliénation. Mais il est essentiel ici de savoir qu’il y a eu quelque chose ici dans le passé. Cela a une portée extraordinaire pour le Québec. Aliéné, le Québécois (ou le Canadien français) ne l’a pas toujours été. Dans son tréfonds culturel, Miron ne l’a pas toujours été. Sinon, il n’y aurait aucune raison à ce sentiment de dépossession; car si on est dépossédé, c’est bien de quelque chose! Mais le chemin de Petit Poucet qui ramène à ce trésor enfoui est rugueux, car les pierres balisantes se sont dispersées à la faveur de certains intérêts, de certains discours; le devoir à chercher est une nuit obscure qui demande patience, soumission et humilité. Mais il est réel. Aussi réel qu’est le côté paysan de Miron et ses craquements tectoniques.

Le poème est éminemment politique, car le langage est politique. Serge Cantin a raison, mais la première chose qui frappe à la lecture de Miron, encore une fois, c’est, en deçà de ces considérations, le « travail » de douleur et le déchirant appel créé par le vide (et non l’appel du vide dans lequel ont sombré d’autres poètes). Le « je » mironien est rude, il mugit sa misère et il y a un côté Péguy, lourd, empêtré dans la glèbe et morne qui vous rentre obstinément et de façon obtuse dans le ventre (« avec ce bœuf de douleurs qui souffle dans mes côtes »). Cela demande très certainement du courage mais aussi cette force brute et bovine de supporter ce travail. On pourra rappeler que « travail » vient du latin tripalium, ou « machine à trois pieux servant à torturer ». Le mot anglais travail traduit plus exactement la réalité du poète, car il implique un tourment, une agonie dans le labeur. Une agonie dans laquelle se forge une définition.

L’allemand musical a un terme très heureux pour désigner ce processus et l’applique au développement, cette partie d’un premier mouvement de sonate ou de symphonie où tout est disloqué, tout module, tout est instable, où tout se cherche à tâtons jusqu’à la réexposition claire et triomphale des thèmes : Durchführung (durch : à travers; Führung : le fait de guider). Cette expression implique essais, tentatives avortées, espoirs déçus et toujours recommencés. On dirait en français « perlaboration », littéralement « labeur à travers ». Beethoven et Brahms, soit dit en passant, auront eu une rare intelligence de ce processus.

Georges-André Vachon, dont Cantin souligne les analyses, écrit que « dans un pays sans pères, les nouveaux poètes doivent créer l’écart et la norme… et ils commencent à deviner que leur salut est à la mesure de leur perdition. […] Miron n’avait d’autre ressource que d’être son propre père. » Le courage de Miron se situe là, précisément à cette aperception du vertige résultant de l’écart symétrique entre le salut et la damnation. Car ayant perdu trace du père, donc de repère, il a entrepris une œuvre morale de rétablissement, à la limite de la tentation démiurgique de créer, interdit parmi tous les interdits et appelant châtiment. On pense à Hamlet qui, sans l’apparition du fantôme de son père lui enjoignant de venger son meurtre (encore l’Autre qui indique le devoir à chercher!), se serait englouti dans sa mélancolie sans en connaître la cause. Dépasser un père absent est sans nul doute, pour le fils, l’une des tâches les plus redoutables. Maint homme québécois en a ressenti l’impossibilité et a préféré la fuite (au profit de mainte femme, qui s’est retrouvée accablée d’un pouvoir exorbitant mais pas nécessairement gratifiant).

C’est devant ce gouffre que Miron fait preuve de courage et de grandeur. Et c’est une dimension dont on n’a pas saisi toutes les conséquences pour le Québec (ou le Canada français), pour peu qu’on s’y attarde.

On retrouve la même idée dans le dernier essai de Nous voilà rendus au sol. Cantin observe très justement que l’Église à présent doit assumer un rôle de médiation, c’est-à-dire ne pas s’adapter à la culture dans son état actuel ni à lui imposer de normes extérieures, mais plutôt à la transformer de l’intérieur et à la porter plus loin, mais à partir de ce qu’elle est. Il faut encore une fois partir du réel, du donné, pour aller au-delà, et non l’inverse. Cela suppose bien évidemment la chute d’une splendeur passée, puis la force d’être humble et d’attendre que lumière se fasse dans ce qui semble une perte et une perdition. L’aliénation de Miron ou notre modernité sont des données réelles et il importe de les dynamiser et de voir la vitalité latente qui s’y cache. Etiam peccata, disait saint Augustin, même le péché est un tremplin vers la lumière…

J’avoue n’avoir jamais lu Fernand Dumont et ne pas connaître sa pensée, mais quand son disciple lui emprunte l’opposition événement/avènement, cette dyade a une résonance si forte qu’il semble que nous soyons ici en plein cœur de cette problématique. Le rabbin Eisik qui part à la recherche du trésor à Prague se situe dans l’événement alors qu’il n’a qu’à le trouver chez lui, il n’a qu’à le laisser advenir chez lui-même. L’ennui du voyageur, c’est ça aussi, c’est ce désert qui constitue l’écrin existentiel dans lequel le trésor doit apparaître, trésor que le touriste ne trouvera jamais car il est englué dans l’anecdotique, l’événementiel et le glissement à la surface d’un monde en constante dérobade. Les silences de Miron et l’avènement d’une parole sont une façon de se situer en deçà de l’événement.

Mais ce qui advient, l’Autre, comment l’appréhender puisque justement il fait irruption dans la trame familière du réel, à laquelle mes facultés se sont habituées au point de ne plus savoir reconnaître ce qui est nouveau? C’est ici qu’il faut parler d’interprétation, ce qui n’est pas sans rappeler l’effort de médiation de l’Église. Lorsqu’on interprète, le mot le dit bien, on accepte qu’il n’y ait pas de vérité fixe ni absolue. Mais cela ne veut pas dire non plus que l’on soit coincé dans l’arbitraire et le tout-relatif. Nous parlions musique, ci-dessus; prenons l’exemple du pianiste, de l’interprète musical. Que fait-il, si ce n’est faire surgir à la vie et au mouvement une partition morte? Il interroge ce que le compositeur d’antan voulait dire. Mais en interrogeant, il doit d’une part se vider de lui-même, ne pas laisser le moi intervenir, mais laisser résonner en lui-même ce que l’Autre lui suggère. Pour paraphraser l’écrivain espagnol Camilo José Cela, il ne fait pas de la musique, il devient musique.

Mais il doit d’autre part s’inscrire dans une tradition, celle qui lui permettra d’accéder au sens qu’il doit ressusciter. Car la tradition, c’est cet ensemble de signes dans lequel une partition a vu le jour, c’est un langage transmis et enrichi de génération en génération. Ainsi, Schönberg ne peut s’expliquer sans Wagner, qui lui ne peut s’expliquer sans Liszt qui, pour sa part, ne peut s’expliquer sans le Beethoven des dernières sonates pour piano qui, à son tour, doit beaucoup à Haydn, et ainsi de suite.

Interroger un texte ancien est chose difficile pour le lecteur, d’autant plus difficile que la seule médiation sensorielle est l’œil, que relaie l’intelligence. La question de la tradition s’en trouve un peu plus assombrie, car nous lisons avec des yeux contemporains et les mots ont une résonance infléchie par rapport au passé. Ce problème est moindre en musique, car le pianiste (également le compositeur, même après Schönberg et la Seconde École de Vienne) est systématiquement soumis à la résistance de l’instrument, de la physiologie du corps, du phénomène physique de la vibration sonore. Toutes ces contraintes forment un corset qui vient renforcer l’idée d’un langage commun et d’une commune compréhension à travers l’histoire (encore que, dans ce cas, l’histoire de la musique classique occidentale soit assez courte si on la compare à d’autres histoires). Le pianiste qui travaille six heures par jour côtoie en sa chair Bach, Scarlatti, Hændel ou Couperin. Quoi qu’en pensent certaines féministes américaines qui soutiennent que ce sont des « dead white male composers », ce ne sont pas des auteurs du passé, ou du moins, ils chantent au pianiste leur présence quotidienne de façon on ne peut plus concrète. La tradition est chose vivante et l’interprétation, médiatisée par l’intelligence, la sensibilité, le corps et l’instrument, est également incarnée.

L’interprète musical ne souffre donc pas autant de la rupture du lien avec le passé que l’homme du livre. C’est sans doute la réserve majeure que j’aurais à l’égard de la vision de Serge Cantin qui semble dire, si j’ai bien compris, que la tradition, articulée dans le discours religieux, nous donnait une certitude. Il s’appuie entre autres sur Marcel Gauchet qui affirme que cette religion est « le plus rigoureux dispositif de neutralisation de la question de soi qui se puisse concevoir ». Cela est vrai lorsqu’on entend par tradition une convention sociale que tous suivent à la façon d’un code de la route ou d’une règle du jeu. Mais si l’on sort de cette règle rigide et gratuite et que l’on annonce fièrement (ou tristement) la mort de la tradition, le risque est qu’on se retrouve dans le relatif le plus total, désespoir à la clef. Une tradition, devenue convention et privée de son côté organique, n’est pas meilleure qu’une autre; elle n’est plus valable qu’en fonction de son utilité psychologique et sociale. Sauf que la tradition, tout comme la foi, n’a rien à voir avec la certitude. Elle est plus proche du doute et ne vit en conséquence que par la vertu de l’interprétation. Cela, le pianiste le comprend d’instinct par le métier qui lui rentre dans le corps, alors que paradoxalement le langage musical, hautement abstrait, ne lui donne pas les concepts pour verbaliser cette conviction.

Simone Weil parle avec raison d’athéisme purificateur. C’est-à-dire que l’athée est plus proche de Dieu que le croyant, la plupart du temps. L’athée soutient, et s’en désole, que les raisons du passé sont arbitraires et que le croyant s’autorise en l’occurrence d’un Dieu imaginaire. Il fait donc table rase, mais ce balayage n’est peut-être pas un point final : c’est une purification. En tout cas, c’est une attitude hautement morale, lorsqu’elle est sincère et dépasse l’anticléricalisme primaire que l’on constate souvent au Québec. Ce qui s’ensuit après est recherche douloureuse, interprétation et mystère du contact avec l’Autre, et c’est au fond ce que l’on perçoit en creux et en filigrane dans les six essais de Serge Cantin qui s’y révèle un écrivain moral aux harmoniques religieuses.



Jean-Philippe Trottier*

 

NOTES

* Diplômé en philosophie (Sorbonne), en piano (McGill) et en composition (Conservatoire de Montréal), Jean-Philippe Trottier dirige actuellement le Bureau d’artistes de Montréal, une agence de promotion artistique de musiciens classiques. Polyglotte et traducteur, il collabore par ailleurs aux revues L’Agora, Liberté, L’Action nationale et Inroads.

1. Serge Cantin, Ce pays comme un enfant. Essais sur le Québec (1988-1996), Montréal, L’Hexagone, coll. « La ligne du risque », 1997.

2. T. S. Eliot, Four Quartets, London, Faber & Faber, 1979.

3. A. de Saint-Exupéry, Lettre à un otage, Paris, Gallimard, 2000 (1943).



 


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