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Présentation du dossier autour d'un livre: Anarchisme de Normand Baillargeon

Un texte de Francis Dupuis-Déri
Dossier : Autour d'un livre: Anarchisme, de Normand Baillargeon
Thèmes : Philosophie, Politique, Revue d'idées
Numéro : vol. 3 no. 1 Automne 2000 - Hiver 2001

Normand Baillargeon

Anarchisme

Montréal, Éditions l’île de la tortue, coll. « Les élémentaires — une encyclopédie vivante», 1999



Normand Baillargeon n’a jamais caché sa sensibilité anarchiste : dans les pages du Devoir où il a tenu chronique pendant quelques années, dans des revues et des journaux comme Ad Hoc, Agone et Le Couac, sa plume acérée s’en prend régulièrement à l’État et à l’économie de marché. Son livre Anarchisme s’inscrit dans la même veine que des classiques comme L’Anarchisme de Henri Arvon et l’ouvrage portant le même titre signé par Daniel Guérin. Ces auteurs cherchent moins à proposer leur propre thèse anarchiste qu’à présenter une philosophie politique mal connue. Dans tous ces cas, et le livre de Baillargeon ne fait pas exception, on devine les choix philosophiques des auteurs par le choix des thèmes retenus, par le ton ainsi que par des jugements au sujet des auteurs et des textes commentés. Ainsi, le livre de Baillargeon répond aux préoccupations du moment puisqu’il aborde des questions comme l’écologie et l’anarcho-capitalisme. Au fil des pages, Baillargeon propose d’une part aux anarchistes d’accepter un compromis momentané avec l’État (providence) qui serait un des seuls remparts contre le capitalisme sauvage de la mondialisation; d’autre part, Baillargeon encourage les anarchistes à éviter les pièges de la violence et à se méfier de ce qu’il nomme le life style activism. On le voit donc, Baillargeon prend position et c’est justement ces trois thèmes (l’État, la violence et le mode-de-vie-comme-militantisme) qui ont été retenus par les participants et participantes comme point de départ pour un débat avec Baillargeon sur l’anarchisme. Les participants ont également laissé entendre que l’anarchisme de Baillargeon se distinguait parfois difficilement d’un humanisme rationnel. N’ayant pu approfondir sa pensée sur tous ces sujets dans son court livre d’introduction à l’anarchisme, Normand Baillargeon profite du débat pour s’expliquer sur plusieurs thèmes.

Un tel débat nous semblait d’autant plus pertinent que des événements récents ont semblé révéler un renouveau de la pensée et de l’action anarchiste. Côté réflexion : le journal québécois libertaire et socialiste Rebelles a célébré ses dix ans à la fin de 1999; dans plusieurs cégeps se forment des groupes anarchistes, et journaux et fanzines anarchistes sont plus nombreux que jamais au Québec; à la session d’hiver 2000, le département de sociologie de l’UQAM a offert pour la première fois depuis des années un cours sur l’anarchisme qui a attiré tellement d’étudiants qu’il a finalement fallu offrir deux cours pour satisfaire la demande; enfin, le 6 mai 2000 se tenait à Montréal un premier festival anarchiste (ventes de livres et conférences). Côté action : lors de la « prise » de l’Assemblée Nationale à Québec le soir de la Saint-Jean Baptiste en 1996, se fut un groupe anarchiste — Démanarchie — qui fut le premier accusé d’avoir fomenté l’émeute; à Seattle et à Washington, les manifestations violentes contre la mondialisation économique ont en partie été orchestrées par des anarchistes; l’attaque contre trois « restaurants » McDonalds et un poste de police le 15 mars 2000, à Montréal, suite à une manifestation contre la brutalité policière et quelques graffitis à Westmount à l’occasion du 1er mai ont également été identifiés par les médias à des actions « anarchistes ».

La plupart des journalistes manquent visiblement de rigueur lorsqu’ils parlent des anarchistes car si il y a en bien quelques-uns par-ci, par-là, il semble plutôt douteux que les 1300 personnes arrêtées à Washington en avril 2000 aient toutes lu Bakounine et Kropotkine... On en vient à croire que les leaders d’opinion et les journalistes sont heureux d’avoir trouvé un nouveau croque-mitaine — l’anarchiste — qui remplace merveilleusement bien le méchant communiste de l’époque de la guerre froide. Mais au-delà d’un débat de chiffre — « les anarchistes, combien de divisions? » —, force est de constater que l’anarchisme a remplacé dans l’esprit de nombreuses personnes le marxisme comme principe d’espérance et comme idéologie mobilisatrice. Argument a voulu profiter de la sortie du livre de Normand Baillargeon pour pousser plus loin la réflexion sur l’anarchisme, une philosophie politique trop souvent caricaturée, voire méprisée. Il s’agit ici de prendre l’anarchisme au sérieux.



Francis Dupuis-Déri

 



 


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