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Le gangsta rap : une atteinte au thème de la noirceur

Un texte de Chedley Belkhodja
Dossier : Rock, punk, rap:culture ou imposture?
Thèmes : Mouvements sociaux, Musique, Société
Numéro : vol. 2 no. 1 Automne 1999 - Hiver 2000

Ces dernières années, l’enfant terrible de la culture hip hop, le gangsta rap, a provoqué bien des remous.  Les médias n’ont fait que dévoiler les aspects corrosifs du style : les confrontations entre gangsters des côtes pacifique et atlantique, qui ont mené à la mort de deux rappers célèbres : Tupac Shakur et Notorious Big, le sexisme et la misogynie, la valorisation du style de vie du gangster prêt à en découdre avec l’ennemi rival.  Il est important de dépasser cette caricature grotesque et souvent exploitée par l’industrie du disque qui raffole du genre Explicit Lyrics.  Ce qui nous attire dans ce rap des années quatre-vingt-dix est plutôt la forte dimension politique du message exprimant une fracture radicale entre Blancs et Noirs mais également au sein de la communauté noire.  On peut aller plus loin et penser que le gangsta rap exprime la fragmentation du territoire.  En tant que politologue et amateur, on ne peut qu'aimer.  En analysant le contenu des premiers original gangsters, on a souhaité illustrer l’exacerbation du territoire dans le gangsta rap.



1) RAP HISTORY



Essayer de définir le rap aujourd’hui est assez hasardeux en raison de la diversité et de l’ampleur que le phénomène a pris dans la culture musicale américaine et occidentale.  De façon très sommaire, l'industrie du disque rap a évolué autour de trois courants principaux.  Premièrement, un rap commercial qui vise le marché des radios FM.  Ce rap a connu ses heures de gloire avec des individus tels MC Hammer, Vanilla Ice et, plus récemment, l’acteur Will Smith (Fresh Prince).  Deuxièmement, un rap qualifié de progressiste qui préfère la recherche de nouveaux croisements des styles.  En valorisant le discours de l'unité dans les origines du rap, cette tendance opte pour l'innovation par des rapprochements inusités avec le jazz (Acid Jazz), le Heavy Metal et le punk.  Une autre particularité de ce style consiste à miser sur l'instrumentalisation du son comme le signe d'une pureté originelle[1].  Enfin, le gangsta rap ou rap hardcore qui exploite la quotidienneté de la violence du ghetto et des cités.

Au départ, le rap tire son influence d'une culture de la rue, appelée Hip Hop, du ghetto noir américain qui s'exprime par l'art de la parole, le tag et le graffiti, et la danse : le break dance et le smurf [2]. Le rap puise dans un principe fondamental qui consiste à transmettre le message de la noirceur "Blackness", la grande fierté d'être un Noir américain tel que déclamé par le maître du Funk, James Brown : "Say It Loud, I'm Black and I'm Proud" et par les Last Poets dans la chanson Wake up Niggers :  “ La nuit descend, la lumière du soleil s'éteint, et le noir revient se confondre à tout, et avec la mort du soleil, la nuit et la noirceur deviennent une. Que la noirceur soit en toi ”. (Last Poets : Wake Up Niggers) [3]  La noirceur est un tout englobant, une forme d’enracinement quasi mystérieux dans la culture populaire du peuple noir.  C’est nettement plus profond que les concepts de négritude et d’afro-américain, en raison de cet appel au passé. Noirceur rime également avec solidarité entre les peuples et entre les sexes.  Le parcours du fondateur du mouvement Zulu Nation, Afrika Baambaata, illustre bien le projet d’unité au sein de la communauté du ghetto.  Ce travailleur social souhaite enrayer la violence des gangs et l’expansion de la drogue à l’aide du hip hop.

Durant les années soixante-dix, la culture hip hop (rap, tag et graf) devient une expression de création, le rap symbolisant l'esprit de divertissement qui dégage des énergies positives dans les fêtes de rue [4].  Le groupe qui personnifie le mieux ce moment est le Sugurhill Gang, qui lance en 1979 le tube classique Rapper's Delight vendu à plus de deux millions de copies.  Il suffit d'écouter le fameux hit qui dure plus de dix-huit minutes et démontre bien la place de la fête et de la fraternité :

I say the hip hop, the hip beat to the hip hip hop, you don't stop rocking to the bam bam boogie, Ah just the boogie to the rhythm of the boogie to be, now what you hear is not a test, I'm rapping to the beat, and me the groove and my friend are gonna try to move your feet, See I am Wonder Mike and i'd like to say hello, to the black, to the white, the red and the brown ...(Sugurhill Gang, Rapper's Delight, 1979).

Rapidement, le rap se trouve prisonnier d'un excès de commercialisation qui l'éloigne de ses racines de la rue et l'entraîne dans les studios et les discothèques.  Des groupes comme Run DMC et Beasty Boys, basquettes Adidas et grosses chaînes en or, symbolisent l’effet de mode du rap.  Cependant, progressivement le thème de la fête (le doo doo di da) fera place à une description encore plus marquée par la décrépitude urbaine :   The Message de Grand Master Flash exprime ce cri de désespoir du ghetto devant la décomposition du tissu social.  Dans ce rap des plus classiques, nous retrouvons tous les éléments de la " Blackness " mais aussi la déchéance du milieu social :

Planté sur le perron, pendu à la fenêtre, j'regarde toutes les voitures qui passent, rugissantes comme si toutes les pièces explosaient, une clocharde qui vit dans un sac, elle mange ce qu'il y a dans les poubelles. C'est plutôt une femme à pédé, quel sale tango, elle traverse la vie et végète dans la rue, le prince charmant perdu depuis longtemps, celui pour qui elle a perdu la raison, la voilà au peep show, elle regarde tous les proxos, elle va pouvoir en raconter de belles aux filles à la maison, elle est venue à la ville et s'est inscrite à l'assurance-chômage, il lui faut un mac, elle peut pas s'en sortir toute seule.

(Refrain)

Don't push me I'm close to the edge.  I'm trying not to loose my head.  It's like a jungle sometimes, it makes me wonder How I keep from going under.  (Grand Master Flash, The Message, 1982) [5]

Le message de Grand Master Flash est repris par l'autre grand groupe rap politique Public Enemy qui devient la référence hip hop des années 80.  Dans un style beaucoup plus agressif par la parole mais aussi par une sonorité de choc plus complexe, ce rap exprime un discours nationaliste afro-américain et un message politique nettement plus radical soulignant l’urgence d’agir.

Ils disent que je suis un criminel, mais alors je m'étonne de ce que les gens n'ont jamais su que l'ennemi peut être leur ami, leur gardien, j'suis pas un hooligan, je remue les gens et j'efface la folie, j'suis pas raciste, je prêche d'enseigner à tous parce que certains n'ont jamais eu de Numéro Un, pas né pour courir au bout d'un flingue... (Public Enemy, Don't believe the hype, 1988).[6]

Les années quatre-vingt-dix annoncent une autre étape dans la radicalisation du discours politique rap. L'apparition du gangsta rap reflète la logique d'un contexte marqué par l'exacerbation de la fracture sociale.  Dans les quartiers naufragés de Los Angeles — Campton, South Central et Whatts —, un nouveau style se développe, plus gangster et warrior que militant.  Les Original Gangsters se replient autour du principe de l'appartenance à un groupe particulier, à un quartier délimité par l'ethnie et le territoire. 

Le gangsta rap peut être défini comme une forme de militantisme afro-américain en raison de l'appel aux mythes du nationalisme des années soixante, mais il se distingue par l'articulation de nouveaux thèmes rattachés à un contexte de fragmentation du territoire.  Le gangsta rap va beaucoup plus loin que la lecture nationaliste car il valorise la notion d'enfermement culturel au détriment de l'unité de la communauté noire.  Il faut noter que cette lecture territoriale, voire ethnique, reflète l'hyper-ghettoïsation et la violence qui règlent la vie quotidienne des quartiers.  L’accent est placé sur la réalité de la rue, faisant remarquer l'état de nature qui y règne : trafic de drogue, prostitution, rues délabrées, rituels de violence entre gangs ennemis.  L’OG de référence, Ice T, se fait un spécialiste de ce reality show en indiquant qu'il ne connaît que ce style de vie et le préfère au rap mielleux des années soixante-dix :

Ten years ago, I used to listen to rappers flow, talkin bout the way they rocked the mic at the disco.  When I wrote about parties, someone always died.  When I tried to write happy, yo I knew I lied.  I lived a life of crime. [...] I'm a hardcore player from the streets, rappin about hardcore topics. ( Ice T, Original Gangster, 1991)

La production gangsta rap ne se fait plus seulement sur le sol américain. En France, par l'étroitesse du marché, la vente du rap est nettement inférieure.  Les rappers gangsters ont nettement plus de difficulté à percer en raison d'une industrie musicale toujours tournée vers la variété et du succès d'un rap soft commercial et intégrateur, personnifié par le gentil rapper MC Solaar.  Un trait important de la production française est le mélange culturel fortement influencé au départ par la culture musicale des Caraïbes et le brassage des nationalités dans les cités françaises.  Il est important de noter la composition multiraciale des groupes français, aspect que l'on ne retrouve pas dans le cas américain. Les groupes hardcore tels NTM, Ministère A.M.E.R. reflètent le paysage multiculturel des cités, moins ségrégué selon la couleur de la peau.  Par la logique du flux artistique, le rap français a cependant la capacité de développer une imitation du style de vie à la gangster : le look hip hop, la vie dans les cités, la dérive de jeunes "blacks" et "beurs" (enfants de maghrébins nés en France) tel que décrit dans les films “La Haine” et “ Ma 6.T va crack-e ”.  Le Québec connaît aussi une forte expansion de la culture hip hop sous l’influence du succès des groupes rap francophones et métissés Dubmatique et les trois filles de la GAMIC.  Autour de Montréal, il existe également une production gangsta rap underground moins connue que le courant dominant plus positif. 

 

2) LES THÈMES

 

D’abord, le gangsta rap raffole de la description extrêmement réaliste de la vie du ghetto.  Aux États-Unis, dans les paroles rap, on retrouve principalement un monde où la loi du Hood domine, où les rites des règlements de compte et les récits de sang l'emportent, surtout les excursions d'une bande (Poose) en quartiers hostiles pour mettre à exécution un fameux drive-by-shooting (assassinats de gangsters rivaux à l’arme automatique depuis une voiture) :

Homies all standin around just hanging.  Some dope-dealin, some gang-banging.  We decide to roll and we deep.  See a nigga on Dayton's and we creep.  Real slow, and before you know, I had my shotgun pointed in the window.  He got scared and hit the gas.  Right then, I knew I had to smoke his ass. [...] Then we headed right back to the fort. (NWA., Gangsta, Gangsta, 1988)

Les paroles du gangsta rap illustrent clairement l'articulation violente du territoire et le rapprochement au gang.  Comme le souligne la spécialiste française Sophie Body-Gendrot, la violence urbaine se déplace sur le terrain de l’irrationnel puisqu’elle n’est plus seulement la réponse à une riposte mais plutôt une réaction agressive ou une envie de tuer pour tuer “ pour une dent en or convoitée, pour une commande de cheeseburgers bâclée, pour un soda ”.[7]  Lorsque comparés au cas américain, les extraits français paraissent moins explosifs. Il faut consulter les rappers de la deuxième génération française pour retrouver la lecture quotidienne de la violence. [8]

My life is violent, but violent is life.  Peace is a dream, reality is a knife.  My colors my honors.  With my colors upon me one soldier stands tall.  Tell me what have you left me, what have I got.  Last night in cold blood, my young brother got shot.  My home got jacked.  My mother's on crack.  My sister can't work cause her arms show trax. (Ice T, Colors, 1989)

Seul le crime paie si t'as pas de vice repose en paix.  Je suis hors la loi devant elle j'veux pas ramper.  Je m'introduis la nuit quand les gens sont endormis.  Le code de la rue est rude pas besoin de permis. (Lunatic, Le crime paie, 1996)



La haine du flic

 

Un des sujets les plus exploités dans la violence urbaine est la haine de la police. Ce thème a pris de l'ampleur en raison de la médiatisation de l’affaire Rodney King, un Noir tabassé par des policiers blancs de Los Angeles, et des émeutes qui ont suivi l'acquittement des policiers responsables de l'affaire, en mai 1992. En France, on rappelle à l'État Malek Oussekine, étudiant marocain, mort lors des manifestations étudiantes en 1986 à la suite d'une interpellation par les forces de l'ordre.  Des deux cotés de l'Atlantique, les rappers gangsters utilisent à profusion le thème de la police (Tha Police), de harcèlement perpétuel par les forces de l'ordre dans le territoire des bandes et des bavures policières. L’appel au meurtre de la police devient une alternative radicale :

Et parce que je viens de Campton, L.A., Ces pourris de policiers sont tous effrayés.  Un jeune négro sur le sentier de guerre, Et quand j'aurai fini ce sera un cimetière de flics morts à Los Angeles.  Alors laisse-moi raconter mon business : "Fuck tha Police". (NWA, Fuck Tha Police, 1988) [9]

Sans faire de la propagande, Abdullaï nous demande la plus belle des offrandes.  Le message est passé, je dois sacrifier un poulet. (Ministère A.M.E.R., Sacrifice de Poulets, 1992)

La haine de la police peut être vue comme un refus d'accorder une légitimité à l'autorité traditionnelle, c’est-à- dire l’État.  Les forces de l’ordre sont étrangères et interdites de séjour dans les quartiers sensibles, la visibilité de l'uniforme ne faisant que provoquer des réactions automatiques de méfiance de la part des jeunes.

Dans le gangsta rap, le refus de l’ordre passe par la mise à exécution de la violence qui s'attaque aux symboles de l'État ou représente tout simplement un “ style de vie à base de pulsions ”.  Deux éléments sont à considérer.  Premièrement, nous remarquons que la “dissémination de la violence” fait que les institutions de l'État, aux États-Unis et en France, se trouvent déstabilisées de l’intérieur, au sein même de leur territoire. Le facteur inquiétant, surtout aux États-Unis, est l'augmentation de la possession individuelle d'armes à feu.  Dans les ghettos, la visibilité des armes à feu est partout, dans la rue, dans les écoles, à la télévision.  Même si les études démontrent une diminution de la criminalité aux États-Unis, il demeure que les jeunes Noirs (15-24 ans) sont les plus concernés par la violence urbaine.  En revanche, la France ne se situe pas du tout au même niveau concernant le nombre d'homicides et le climat de violence.  Les rappers gangsters expriment et glorifient cette dure réalité de la violence signalée par le maniement constant des armes à feu : “ My AK-47 is the tool ” (NWA, Straight out of Compton, 1988).

Deuxièmement, l’apparition du gangsta rappeur devient en quelque sorte l’image du “ nouveau barbare” qui, en pratiquant la violence, le meurtre et le viol, crée un espace identitaire basé sur ses propres règles.  À la lecture des extraits, on a remarqué une description réaliste de la violence quotidienne qui ressemble aux tensions ethniques et nationalistes à l'échelle planétaire : Now I change my style up, bodies pile up just to trouble you, thrwin out the W sent me a subpoena cause I kill more crackas than in Bosnia- Herzegovinia each and every day in a siz-tre Chevrolet with the heavy A to the motherfuckin K.  (Ice Cube, Enemy). On ne parle plus de violence traditionnelle mais plutôt de conflit interne, de guerre civile.  Un symbole flagrant de cette violence est par exemple l'incapacité de l'État à canaliser l'expression émeutière dans les banlieues des grands centres urbains : les émeutes de Los Angeles en 1992, le réveil des banlieues en France (ex: Vaulx-en-Velin, Sarcelles).  Ce phénomène est plus discernable en France où la visibilité de l'État dans les cités est existante (bureau de poste, commissariat). Aux Etats-Unis, la situation est plus alarmante; les émeutes de Los Angeles montrant un terrain laissé aux gangs et à des forces privées de sécurité embauchées par des commerçants asiatiques.



La femme maltraitée

 

Dans le gangsta rap, il existe une forte dose de misogynie.  Des groupes comme 2 Live Crew, NWA, Geto Boys traitent à profusion les femmes de putes, de salopes (Bitch), pour en faire un objet de propriété masculine et de violence gratuite, d'objet de plaisir sexuel, de viol et de meurtre : “  One Less Bitch ”, “ That Bitch Betta Have my Money ”, “ Findum, Fuckum and Flee ”.  Le mot bitch apparaît aussi dans le rap hardcore français: “ J'ai passé la journée avec une meuf terrible, une bitch de magazine, beaucoup plus bonne que la plus bonne de tes copines! (Suprême NTM, La Fièvre, 1993)

Il existe un fantasme dominateur qui va jusqu'à une mise en garde adressée aux femmes noires qui cherchent à se dégager de la domination du mâle.  Aux États-Unis, la crise des villes a eu comme effet d'affaiblir le tissu traditionnel de la famille et de mettre au chômage de longue durée une population ouvrière masculine.  Dans les cas américain et français, les statistiques révèlent une crise de l'emploi à tous les niveaux: taux du chômage, emplois peu qualifiés, disparition d'emplois dans les ghettos.  Face à cette pauvreté, les femmes prennent souvent le relais pour subvenir aux besoins essentiels mais se voient maltraitées. Le plus souvent, des jeunes femmes à la tête de familles monoparentales doivent payer le prix de la brutalité des hommes.  Certains aspects sont similaires dans le cas français où plusieurs auteurs avancent l'hypothèse du malaise de la “ masculinité ” visible, par exemple, par le repli social des pères d'origine maghrébine, en phase de déclin économique et quelque peu dépassés par l'attitude délinquante de leurs fils.

En réaction à cette forme de violence, plusieurs femmes issues de la mouvance rap répondent à la misogynie du gangsta rap par un rap féministe qui refuse la dégradation de la femme et demande le respect de la part des artistes masculins.  La grande dame du rap aux États-Unis, Queen Latifah, milite en faveur  du respect des femmes et des artistes féminines.  On note également un rap de femmes de style gangsta rap qui prône des solutions radicales pour modifier le rapport entre les sexes.  Afin de remédier à la violence faite aux femmes, le groupe Bytches with Problems, la version gangsta rap féminine de NWA, propose tout simplement un moyen d'éliminer les hommes : “ Wait until he goes to bed, then give him three to the head, leave his motherfucking ass for dead ”. (Bytches With Problems Lyndah and Tanisha, Shit Popper, 1991).

L'aspect troublant qui se dégage de la lecture et de l’écoute des paroles des rappeurs hardcore est la valorisation du recours à la violence comme une alternative.  Celle-ci a pour conséquence d'enfermer des individus déjà marginalisés dans un monde encore plus délirant où le territoire tribal et clanique devient l'unique élément de l'identité.  Aussi n'est-il pas surprenant de voir que les rappeurs, aux États-Unis et en France, se livrent une lutte acharnée entre villes et quartiers :  Los Angeles et New York, Saint-Denis et Sarcelles! Selon nous, cette logique presque ethnique a pour effet de détruire le message originel de la noirceur qui est celui de l'unité, allant jusqu'à légitimer cette forme d'auto-destruction des communautés marginalisées.  Enfin, la réponse à la banalisation de la violence dans le gangsta rap peut provenir du rap lui-même, c'est-à-dire d'une production plus tolérante qui renoue aux sources universelles du hip hop et du message de la Nation Zulu.  Des groupes comme Arrested Development, De La Soul, A Tribe Called Quest, MC Solaar et Dubmatique s'inscrivent dans cette autre voie plus progressiste et universelle capable de contrecarrer l'effet dévastateur de la fragmentation en invitant plutôt au respect de l'individu et de son environnement. 



Chedly Belkhodja

 

NOTES


[1]. Voir Tricia Rose, Black Noise. Rap Music and Black Culture in Contemporary America, Hanover, University Press of New England, 1994.

[2] Consulter un ouvrage essentiel : Steve Hager, Hip Hop : The Illustrated History of Breakdancing, Rap Music and Graffiti, New York, St Martin’s Press, 1984.

[3] Cité dans George Lapassade et Philippe Rousselot, op.cit., 52.

[4] Voir la superbe description de ces nouveaux acteurs-animateurs de la rue que sont les rappeurs et les Dijay's. Cf. Jean-François Vallée, “ Cut up, Stick up, les rythmes du rap ”, Autrement, no. 39, avril 1982, 122-130.

[5] Cité dans George Lapassade et Philippe Rousselot, Le Rap ou la fureur de dire, Paris, Loris Talmart, 1990, 38.

[6] Ibid., 51.

[7] Sophie Body-Gendrot, Ville et violence : l'irruption de nouveaux acteurs, Paris, Presses universitaires de France, 1993, 140.

[8] Deux compilations sont fortement recommandées : La Haine, Virgin, 1994; Hostile, Virgin, 1996.

[9] Cité dans Oliver Cachin, L'offensive rap, Paris, Découvertes Gallimard, 1996, 1.



 


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